11 juin 2019 – Miss Konfidentielle vous invite à découvrir le parcours et les actualités de Philippe Lutz, Directeur Central du Recrutement et de la Formation de la Police Nationale (DCRFPN).
Bonjour Monsieur,
Afin d’éclairer nos lecteurs, pouvez-vous préciser ce qu’est la DCRFPN ?
La Direction Centrale du Recrutement et de la Formation de la Police Nationale a été créée en janvier 2017. Elle répondait à une volonté de Bernard CAZENEUVE qui était ministre de l’intérieur puis premier ministre. Le but était de mettre en place une direction qui assure le pilotage de l’ensemble des opérateurs de formation de la Police Nationale et ce quelque soit leur rattachement (direction dépendante de la DGPN de la Préfecture de police ou ENSP). A partir de ce pilotage renforcé, le principe était de mettre en place une véritable stratégie de formation au sein de la Police Nationale pour anticiper et accompagner en matière de formation les enjeux de sécurité d’aujourd’hui et de demain.
Mais il s’agissait aussi de travailler sur nos recrutements. Les décisions du précédent quinquennat après les attentats de 2015 confirmés par Emmanuel MACRON nous ont obligés à réfléchir tant sur la manière de recruter quantitativement que sur la question des compétences recherchées aujourd’hui mais surtout pour l’avenir. En effet, la délinquance, l’ordre public et les demandes de la population évoluent en permanence, nous devons trouver des réponses qui permettent d’adapter nos recrutements.
Ainsi que les missions que vous exercez en tant que Directeur.
J’ai été nommé le 5 février 2017 après avoir effectué toute la préfiguration pour construire cette direction. Cette période a été une expérience assez extraordinaire et rare dans une carrière. En effet, elle permet de construire le moteur et la carrosserie du véhicule que vous allez ensuite utiliser, mais en « embarquant » 2500 personnes qui travaillent au quotidien dans cette direction. Cela été une période intense, car il fallait d’abord se poser les bonnes questions collectivement en interne, puis avec les autres directions, commencer à construire une organisation et beaucoup communiquer en direction des agents pour éviter l’inquiétude et ce même si la création de cette direction était attendue et a soulevé un grand enthousiasme de tous. Je me rappelle lorsque nous avons travaillé sur ce que seraient les valeurs de la direction (transmission, exigence, professionnalisme, innovation) avec des représentants de tous les corps actifs administratifs et techniques puis la consultation de tous… cela fait partie des moments rares dans une carrière.
Depuis cette construction et la mise en place de l’organisation, nous avons travaillé sur tous les fronts : le recrutement avec la communication métiers, le changement d’épreuves pour le concours de gardiens de la paix et la mise en place d’un second concours interne ouvert à toutes catégories C des différentes fonctions publiques, le lancement d’une réflexion similaire pour les concours d’officiers et de commissaires.
La formation initiale des gardiens de la paix avec la réalisation d’un référentiel métier puis formation pour les gardiens de paix pendant les trois premières années d’exercice.
La réalisation d’un film sur l’histoire de la police et ses valeurs diffusé à tous les personnels actifs ou administratifs qui rentrent dans la police nationale.
Le lancement d’une nouvelle formation initiale des gardiens de la paix dans un an qui durera 8 mois en école, mais qui se poursuivra pendant 16 mois en formation continue avec des modules de formation et des apprentissages en situation de travail avec un tutorat renforcé. De même, en septembre 2020 nous mettrons en place des apprentissages partagés entre commissaires, officiers et gardiens de la paix dès la formation initiale durant un mois pour que chacun rentre dans une identité policière commune avec des valeurs partagées.
En formation continue, le but est d’adapter en permanence pour le présent mais aussi pour l’avenir les compétences des policiers et de faire de la formation un véritable vecteur de transformation et non un simple « pansement » lorsqu’un problème surgit. Aujourd’hui le métier change car la délinquance, l’ordre public et les attentes de la population évoluent plus vite. Il faut donc que nous soyons en capacité d’aider les policiers à comprendre ces évolutions et à adapter leurs compétences et ce pour qu’ils ne soient pas en difficulté. Ces chantiers concernent par exemple à la fois la transition numérique, la cyber délinquance, la gestion de l’ordre public, la Politique de Sécurité du Quotidien (PSQ)…
Au-delà de ces aspects compétences métiers il s’agit aussi de travailler sur le management interne sur lequel la DCRFPN a été missionnée pour établir un référentiel qui s’appliquera tant sur les formations à destination de l’ensemble des encadrants que pour la gestion des carrières et des évaluations. C’est un chantier essentiel, car la police est métier de « l’humain » tant vis-à-vis de la population qu’en interne.
Parallèlement, nous travaillons sur la généralisation des Techniques d’Optimisation du Potentiel qui se basent sur des programmes de techniques liées à la pleine conscience pour gérer le stress, la fatigue des fonctionnaires et travailler sur la motivation car il faut le répéter le métier est difficile, exigeant et complexe.
Pour les lecteurs intéressés par les formations et le recrutement au sein de la Police Nationale, que leur conseillez-vous ?
Nous avons internalisé la plupart de nos formations et il est difficile de toutes les évoquer car il y en a plus de 2000. L’une des dernières concerne le télépilotage des drones et la modélisation en images 3 D des photographies réalisées.
Pour le recrutement, deux sites existent www.devenirpolicier.fr et www.lapolicenationalerecrute.fr Ils seront rassemblés avant la fin de l’année en un seul. On trouve sur ce dernier site à la fois tous les éléments pour s’inscrire aux concours, découvrir les différentes carrières au sein de la police mais aussi les éléments pour se préparer.
Quel a été votre parcours avant de rejoindre votre poste actuel ?
Je suis né en Seine-Saint-Denis, malgré mes « antécédents » alsaciens. J’ai obtenu une Maîtrise de droit à Paris 1 Panthéon Sorbonne. J’ai d’abord été inspecteur de police puis j’ai passé le concours de commissaire de police en 1990.
De 1992 à 2007 j’ai travaillé en Seine-Saint-Denis (Les Lilas, Blanc-Mesnil, Noisy-le-Grand, Bobigny), un département extraordinaire. Car si c’est sans doute en terme de délinquance un des endroits les plus difficiles, c’est aussi un département ou l’énergie, l’envie de faire des choses est la plus grande chez les policiers, les professeurs, les magistrats, les élus, les associations.
Puis je me suis orienté vers des fonctions RH (sous-directeur des Ressources Humaines et logistique à la DCSP, directeur adjoint à la DRCPN) et enfin la formation.
Après avoir suivi des études de droit, pourquoi avoir choisi la voie de la Police Nationale ?
C’est un pur hasard, personne dans ma famille ne travaillait dans la police (le seul policier ayant été un grand oncle comédien qui a joué un gardien de la paix dans un film de Henri-Georges Clouzot !). J’ai passé le concours d’inspecteur par hasard, mais dès mon premier stage j’ai su que je ne m’étais pas trompé et que j’allais aimer la police.
La police et les forces de l’ordre ont particulièrement souffert ces derniers mois. Surtout lors des manifestations des gilets jaunes. Avez-vous un message à faire passer ?
Le métier de policier est difficile, il est de plus en plus complexe. Il nécessite un équilibre personnel de tous les instants. La répétition des situations de crises (actes terroristes, manifestations violentes, gestion quotidienne de l’urgence…) impacte fatalement chacun des policiers. Mon métier et celui de l’ensemble des policiers de la DCRFPN visent à les aider au quotidien sur les compétences qu’ils pourront mobiliser et améliorer, mais ils ont besoin déjà qu’on les respecte.
Et sur un plan personnel, avez-vous des loisirs qui vous permettent de vous détendre ?
J’ai des loisirs traditionnels mais dont certains sont des passions : la littérature américaine, le cinéma « zen » de Yasujirō OZU (un cinéaste japonais mort en 1963) et celui des frères COHEN… cela n’a rien à voir ! La musique avec le jazz, le blues… et le métal avec Metallica et Rammstein… et enfin le football parce que c’est un jeu simple qui transporte des millions de personnes qui peut être magique dans le jeu (la panenka de Zidane en 2006 !)… mon équipe de coeur est le racing club de Strasbourg que je suis depuis 30 ans (et voir Lille le 30 mars 2019 avec des dizaine de milliers de supporters alsaciens était un grand moment… et en plus le racing a gagné !).
Vous évoquiez la nécessité d’un équilibre dans la vie personnelle d’un policier afin de tenir psychologiquement sur le plan professionnel. A découvrir vos loisirs, vous êtes un bel exemple.
Un très grand remerciement pour notre entretien fort agréable et instructif.
Attention :
Les deux photos publiées dans cet article ne peuvent être utilisées.
Il s’agit de photos internes à la Police Nationale.