🇫🇷 Le 28 novembre 2023 se tenait le Colloque « Forces morales de la nation » dans le cadre de l’Académie de défense de l’École militaire en présence du Général Thierry BURKHARD, Chef d’état-major des armées et du Général de corps d’armée Benoît DURIEUX, Président de l’Académie de défense de l’École militaire, Directeur de l’IHEDN et de l’Enseignement militaire supérieur.
Je vous invite à lire en amont l’article Le 26 octobre 2023 – Inauguration de l’Académie de défense de l’École militaire, ACADEM pour comprendre ce qu’est l’ACADEM et découvrir ce qui se déroulait le jour de son inauguration à l’École militaire.
Le Général Thierry Burkhard, Chef d’état-major des armées :
La mission confiée aux armées françaises – défendre le territoire et protéger les Français – est bien perceptible lorsqu’il s’agit d’intervenir dans les milieux physiques, à terre, dans les airs ou sur la mer. Elle est probablement moins aisément identifiable dès lors que l’action se déroule dans des champs immatériels tels que le domaine informationnel ou le cyberespace. Pour autant, les soldats, marins et aviateurs qui y combattent sont mus par le même idéal qui donne à la mission un sens d’un ordre supérieur.
En effet, par-dessus tout, les hommes et les femmes des armées veulent préserver l’intégrité et la souveraineté de notre patrie dont l’essence relève tout à la fois de la force des liens entre les citoyens et de l’ancrage dans la terre charnelle ainsi que dans l’Histoire. La devise de notre République l’expose au travers de trois valeurs : liberté, égalité, fraternité. Elles se vivent concrètement dans les unités militaires : liberté de l’engagement au service de son pays, égalité de dignité et d’opportunité de progression, fraternité d’armes au quotidien et sous le feu. Pour la patrie, chaque militaire est prêt à aller jusqu’au sacrifice de sa vie. C’est son honneur et d’une certaine façon, cela exprime la grandeur intrinsèque de cette cause. Cela forge aussi nos forces morales qui sont au combat les ressorts de la victoire.
Donner sa vie trouve aussi sa justification dans la reconnaissance de la patrie. En vérité, ce sont nos familles, nos amis, nos concitoyens et de proche en proche, la nation toute entière qui nous soutiennent. C’est pourquoi, finalement, nous sommes tous impliqués. De sorte que les forces morales ne sont pas seulement nécessaires au combattant, elles sont indispensables à la nation. L’Ukraine nous en donne le plus bel exemple.
De fait, le lien entre l’armée et la nation est un lien de dépendance mutuelle et de responsabilité réciproque. Plus les armées ressentent le soutien de la nation, plus la valeur de leurs forces morales est puissante. En retour, plus les forces morales de la nation sont vivantes, plus elles alimentent les liens créés entre les générations et justifient la confiance placée en la jeunesse. Nous devons aussi écouter ceux qui nous ont précédés, notamment ceux qui sont morts pour la France et dont nous avons commémoré le souvenir le 11 novembre dernier. L’œuvre du Bleuet y contribue admirablement.
C’est à nous tous qu’il revient de souffler sur ces braises toujours ardentes, pour raviver la flamme, celle qui a poussé nos anciens mais aussi cette année trois sous-officiers tombés au champ d’honneur, à s’oublier pour une cause qui les dépassait. Notre pays le mérite.
Général de corps d’armée Benoît DURIEUX, Président de l’Académie de défense de l’École militaire, Directeur de l’IHEDN et de l’Enseignement militaire supérieur :
« La force de la cité ne réside ni dans ses remparts ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens. » Au Ve siècle avant notre ère, le stratège et historien athénien Thucydide résumait déjà les relations que les forces armées entretiennent avec les forces morales de la nation.
C’est cette question cruciale que l’Académie de défense de l’École militaire a choisi d’approfondir à l’occasion de son deuxième événement, en prolongement du thème mis à l’honneur lors du dernier 14 Juillet. Le défilé du 14 Juillet, unique en Europe, est d’ailleurs symbolique de ces liens entre armées et nation : ce jour-là, les militaires rendent hommage au président de la République et, à travers lui, à toute la nation ; dans le même temps, les Français viennent rendre hommage à ceux qui sont appelés à risquer leur vie pour eux.
La notion de forces morales est apparue dans la littérature militaire pour désigner, dans ce qui est nécessaire au soldat pour combattre, tout ce qui ne relève pas de la force physique. Carl von Clausewitz en parlait dès le début du XIXe siècle et y intégrait l’habileté, l’endurance, l’enthousiasme, la bravoure et les talents du chef. Il suggérait encore que c’est ce qui permet au soldat de ne pas céder aux terreurs imaginaires, et de résister à celles qui sont fondées.
Depuis quelque temps, on évoque les forces morales à l’échelle de la nation tout entière. On s’éloigne donc de la définition de Clausewitz, puisque les vertus guerrières de l’armée la concernent dans sa singularité, face aux exigences uniques du combat, et ne sont que très partiellement transposables à la nation dans son ensemble. Même si certains éléments peuvent inspirer la réflexion : ne pas céder aux terreurs imaginaires, c’est aussi nécessaire pour toute la nation.
La multiplication des crises, des attentats terroristes à la pandémie de Covid-19 en passant par les conflits qui gangrènent notre environnement, a suscité ce débat sur les forces morales. Il a le mérite de rappeler que, face à ces tragédies, le salut ne réside pas seulement dans l’individu, ce qui a pu être le travers des décennies précédentes, mais aussi dans la collectivité. La cohésion, la confiance mutuelle, et, plus largement, notre capacité à prendre du recul sur les événements sont aussi indispensables à l’échelle de la nation que dans les unités des armées.
Une collectivité est aussi d’autant plus confiante en l’avenir qu’elle sait avoir déjà été capable d’affronter des défis majeurs. Notre histoire longue – les deux conflits mondiaux du XXe siècle et ceux qui les ont précédés – et les crises plus récentes ne sont pas seulement des leçons pour l’expérience ; ceux qui sont tombés nous obligent à entretenir l’héritage de notre nation. Ceci concerne chaque citoyen. Car si l’armée est une composante importante de notre défense, elle ne peut constituer à elle seule la défense nationale.
Au-delà, les forces morales font référence à notre capacité à puiser dans notre patrimoine immatériel, à nous souvenir de Bouvines et d’Austerlitz, à rêver avec Claude Monet devant Impression, soleil levant, à pleurer ensemble quand Notre-Dame brûle et à rire à l’unisson avec Louis de Funès. Ce sont ces forces qui nous permettront d’aller de l’avant, de regarder l’avenir avec confiance, de faire face aux multiples défis du quotidien. Ce sont elles qui conditionnent notre capacité à débattre de notre projet collectif ; c’est précisément ce que l’ACADEM propose de faire pendant ce colloque.
TABLE RONDE 1 : L’ENGAGEMENT DE LA SOCIÉTÉ CIVILE EN FAVEUR DES FORCES ARMÉES.
MODÉRATRICE : Dr Céline MARANGÉ : Chercheuse « Russie et Ukraine », IRSEM
L’intérêt accordé par une société à ses forces armées dépend en grande partie de l’état de la menace et de la solidité de la cohésion sociale. En Ukraine, l’engagement citoyen en faveur des militaires s’est forgé à partir de mars 2014 et renforcé depuis l’invasion russe de février 2022. En Finlande, prévaut une vision intégrée de la sécurité qui valorise la résistance aux épreuves et qui implique la disposition à défendre le pays. En France, l’enjeu des forces morales se pose différemment, mais il n’en est pas moins brûlant. Comment valoriser et accompagner les initiatives émanant de la société civile en faveur des forces armées ? En quoi l’exemple des armées peut-il renforcer l’unité de la nation et la résilience individuelle ? Une attention particulière sera portée à l’engagement en faveur des militaires blessés et des victimes civiles, d’actes de terrorisme notamment.
LES INTERVENANTS :
LCL Claire BERTAUX, Attaché de défense près l’ambassade de France à Helsinki
Louis-Frédéric DOYEZ, Directeur délégué de la Fédération française handisport
Colonel Pierre LE BASTART de VILLENEUVE, Adjoint commandant du Centre national des sports de la défense
Arnaud SERRATS, Adjoint au responsable de la formation au sein de la Sécurité diplomatique et ancien négociateur du GIGN
Dr Loulia SHUKAN, Maître de conférence en études slaves et sociologue spécialiste de l’Ukraine
TABLE RONDE 2 : VERS UN NOUVEAU MODÈLE D’ENGAGEMENT CITOYEN ?
MODÉRATRICE : Pr Anne-Catherine ROBERT-HAUGLUSTAINE, Directrice du Musée de l’Air et de l’Espace
En France, l’enseignement de défense constitue la première étape du parcours de citoyenneté et contribue à une meilleure compréhension par les jeunes Français et leurs enseignants du sens de l’hommage rendu et de l’engagement quotidien des militaires d’actives et de réserve pour la protection et la défense des Français. Depuis la suspension du service national, ce dispositif, ainsi que la mise en œuvre du service national universel, vise à renforcer les liens unissant la nation à ses armées, susciter chez les jeunes une culture de l’engagement et nourrir le sentiment commun d’appartenance à la nation. Comment renforcer cette culture de l’engagement et de résilience de la société au travers des différents modèles d’engagement citoyen tels que la réserve, l’engagement associatif, le service civique… ?
LES INTERVENANTS :
Général de division Louis-Mathieu GASPARI, Secrétaire général de la Garde nationale
Tristan LECOQ, Inspecteur général d’histoire-géographie
Corinne ORZECHOWSKI, Déléguée générale au Service national universel
Marc VANNESSON, Directeur du développement des programmes et directeur de l’éducation, de la prévention et des liens familiaux à la Croix-Rouge française
REGARDS CROISÉS
Entre un enseignant en histoire-géographie, François da Rocha-Carneiro, vice-président de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG) et un journaliste de défense, M. Didier François.
DANS QUELQUES JOURS LE COLLOQUE EN LIGNE SUR
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