Le 21 juillet 2022 – Le lendemain du 14 juillet, j’ai eu le plaisir de rencontrer le commissaire de police Michel FELKAY, Directeur de la Police municipale et de la Prévention de Paris afin de faire le point sur l’événement et autres sujets forts instructifs pour qui ne connait pas bien la Police municipale et la PM de Paris, et qui s’intéresse aux problématiques urbaines telles que la sécurité, les incivilités, l’environnement, la pollution atmosphérique et sonore, les espaces verts .. tout ce qui fait la tranquillité publique, le bien vivre ensemble. Vaste sujet, surtout à Paris.
Nous découvrirons plus avant Michel Felkay, une personnalité passionnée bien sympathique.
Nous avions eu un premier contact lors du 2d séminaire des polices municipales, le jeudi 02 décembre 2021, à l’Ecole des officiers de la Gendarmerie nationale, Michel Felkay était intervenant. Un événement fédérateur co-organisé et co-animé avec Franck Denion, directeur du CISPD de Melun.
Bonjour Michel,
Racontez-nous les coulisses du 14 juillet 2022
– Quel a été le travail en amont ?
Cela a été un gros travail.
On se prépare en interne tout en ayant des séances de travail avec la Préfecture de police de Paris pour savoir « qui fait quoi » et « sur quel secteur ».
Nous avons géré tout le Champs-de-Mars qui est un espace avec 4 entrées. Ce qui veut dire des pre-filtrages, des filtrages sur une jauge de 70 000 personnes qui viennent assister au concert de France2, puis regarder le feu d’artifice qui suit à 23h.
Cela veut dire que l’on se met en état de marche pour tenir un service d’ordre.
Je fais une distinction entre le maintien d’ordre et le service d’ordre.
Nous on est sur du service d’ordre c’est-à-dire des filtrages sur un périmètre donné où l’on fait rentrer des gens et on fait en sorte que tout se passe bien à l’intérieur de ce périmètre. Le maintien de l’ordre, c’est tenir des foules sur un espace, cette action peut aboutir à du rétablissement de l’ordre. Ce n’est pas notre travail.
– Comment s’est passé le 14 juillet ?
On avait cette année un énorme PC, un poste de commandement, sur lequel on a mis le sigle Police municipale, parce que on voulait mettre tous les partenaires qui sont avec nous, dans la perspective des JO 2024. Du reste, à cette occasion, on a été « inspecté » par une délégation Paris 2024 qui est venue pour voir comment on fonctionnait.
Dans ce poste de commandement, on avait la Protection civile, le lien avec notre salle de commandement opérationnel de Paris que nous avons ici à notre base, avec 2 opérateurs radio. Ces 2 opérateurs pouvaient avoir accès aux images de nos 8 caméras que nous avions positionnées sur le Champs-de-Mars. On avait également au PC un responsable et des agents de sécurité privée pour être en lien, et l’officier de liaison de la Préfecture de police de Paris. Et puis comme on est dans la perspective des JO 2024, on avait engagé aussi des volontaires de Paris qui étaient chargés de fluidifier et d’indiquer le chemin à ceux qui sortaient des métros : « prenez cette direction ». Tout ceci était encadré par nos médiateurs. On a une équipe de médiation à Paris.
Tout s’est bien passé. Il y a toujours énormément de monde, on peut parler de foule, même si le périmètre était contraint par la Préfecture de police qui avait prédéfini des zones d’exclusion du public.
Nous sommes là à la limite de nos compétences car nos policiers municipaux ne doivent pas faire du maintien de l’ordre. On n’est pas formé pour, on n’a pas les compétences juridiques.
– Quel bilan dressez-vous au lendemain du 14 juillet ?
Le bilan est positif pour la Police municipale et de prévention de Paris.
Comme je vous le disais, on a été « inspecté » en préparation des JO 2024. Les résultats sont positifs donc on est content.
On a expérimenté l’emploi des volontaires de Paris, tout s’est bien déroulé.
On n’a pas eu de blessé même si on a géré la foule, 70 000 personnes sur le Champs-de-Mars tout de même.
Et le poste de commandement a bien fonctionné si bien qu’on le reprendra pour les saisons suivantes.
Quelles sont vos fonctions aujourd’hui ?
Je suis détaché de la Police nationale pour travailler à la mairie de Paris, et la maire de Paris m’a nommé en janvier 2019, Directeur de la Police municipale et de la prévention.
Je suis arrivé pour transformer les agents municipaux en policiers municipaux.
Cela veut dire créer une école, j’ai ainsi créé l’Ecole des métiers de la sécurité de Paris, qui va se trouver dans les locaux de Charly Hebdo, un lieu symbolique où on met de la tranquillité publique.
Une directrice de l’école, une équipe de formateurs et un contenu pédagogique sont maintenant en place.
Normalement c’est le CNFPT qui gère la formation des policiers municipaux en France, mais l’école ne pouvait pas prendre une telle masse d’agents, nous en avions 2 200 à former.
En plus de cela, je dois recruter, puisque à la fin de ma mandature, nous devrons être 5 000 dont 4 000 policiers municipaux. L’Ecole des métiers de la sécurité est en mesure de gérer.
Il a fallu créer aussi une salle de commandement, un état-major, donner une réactivité, une nouvelle doctrine d’emploi des agents, une police de proximité, c’est-à-dire des agents à pied ou en vélo essentiellement, parce que nous voulons qu’ils soient vraiment en contact avec les commerçants, les gardiens d’immeuble, les passants. On veut du contact.
Quelles sont les dernières actualités de la Police municipale et de prévention de Paris ?
Nous avons beaucoup de projets.
On s’emploie sur Paris Plages qui s’est ouvert le 9 juillet et on va installer cette année un zodiac marqué Police municipale qui permettra non pas de faire de la concurrence à la Brigade fluviale de la Préfecture de police mais d’être en surveillance, un point extérieur, au niveau des quais de Seine avec des patrouilles pédestres. A partir du moment où on est sur la Seine ou sur les bassins de la Villette, on a une vue globale qui permet de dire « attention ici il y a une bagarre, par exemple » et d’orienter les patrouilles qui sont sur le quai.
Cela est l’actualité récente.
Une autre actualité, on vient de recevoir 400 vélos électriques et non électriques ce qui veut dire stages vélo. Former les policiers municipaux à utiliser le vélo pour faire des interpellations, par exemple.
L’actualité c’est aussi d’organiser des journées à thème et on vient de faire une journée environnement où là on a verbalisé ceux qui n’avaient pas la vignette Crit’Air adéquate ou ceux qui roulaient avec un pot d’échappement polluant ou encore les commerçants qui distribuaient des sacs qui n’étaient pas à usage unique, biodégradables. On fait de la sensibilisation dans ce domaine.
Vous l’avez compris, l’actualité est avant tout de se professionnaliser.
Je vous propose un focus synthétique sur la Police nationale et la Police municipale. Quelles sont les différences ?
Nous sommes agents de police judiciaire adjoints.
On va pouvoir verbaliser dans le domaine de la lutte contre les incivilités et le domaine routier pour les contraventions des 4 premières classes. Si on a à faire une contravention de 5ème classe, exceptionnellement on peut le faire par rapport, et le transmettre au Parquet.
On est par exemple sur les infractions de terrasse ou du bruit, on a des sonomètres à main, pour contrôler le niveau de nuisance sonore.
Le bruit est le premier fléau à Paris. Il y a une telle densité de personnes, il faut absolument que l’on agisse sur le bruit. Je vous parle d’incivilité, il y a aussi le contrôle du respect de la propreté des trottoirs, le respect des pistes cyclables, des voies de bus, des feux rouges, les mises en fourrière des voitures et des trottinettes qui gênent les piétons.
Je vous évoquais la journée environnement, on a fait aussi une journée bruit sachant que le bruit vient beaucoup des activités professionnelles dans Paris avec des débordements de chantiers. Prochainement, on va faire une journée parcs et jardins.
Bref, on essaie de réguler Paris ce qui n’est pas évident.
Tout cela par rapport à la Police nationale, vous voyez, on n’est pas dans l’enquête.
On est là pour réguler l’espace public en amont, pour sensibiliser et prévenir. Si l’infraction continue, on verbalise, il n’y a pas de procédure, c’est fait. Par cette proximité on fait comprendre aux gens qu’il faut que l’on arrive à vivre tous ensemble.
La police nationale va aller par une enquête d’un point à un autre, aller interpeller quelqu’un, faire une perquisition, revenir au commissariat faire une enquête, rendre compte au parquet …
C’est aussi gérer des manifestations revendicatives sur l’espace public.
Nous on est à demeure, on est présent et je veux sensibiliser et fidéliser mes agents sur un quartier, c’est pour cela que l’on a créé des points de rencontre, les totems, qui sont des kakémonos où sont écrits « ici, vous pouvez rencontrer 30 minutes la Police municipale qui sera présente tous les jours de 17h00 à 17h30 par exemple ».
Nous avons mis en place un totem par arrondissement, c’est a dire des points de rencontre, nous en avons 17 fixes.
A cela s’ajoutent des totems mobiles qui peuvent être utilisés lorsqu’il y a un incendie, une brocante, afin d’expliquer aux personnes ce qu’elles peuvent et ne peuvent pas faire et aussi avoir des remontées d’informations comme un problème de voirie. Ces remontées d’informations, on se charge de les transmettre aux services concernés comme la Police nationale, à la direction de la voirie de la ville, à la direction de la propreté de la ville …
On est là pour sensibiliser les parisiens à tout un tas de sujets et à les écouter pour savoir comment les aider. C’est pourquoi nous avons créé un Observatoire ici qui récupère toutes les remontées d’informations ce qui permet d’avoir un rapport chaque semaine.
Ce qui nous mène par exemple à nous dire que dans tel quartier il y a visiblement des problèmes, et à agir la semaine qui suit. On veut être au service des parisiens.
Place maintenant aux étapes marquantes de votre parcours.
Si je résume ma carrière, je dirais qu’il y a 3 phases.
La première phase est la sécurité publique.
J’ai toujours aimé le côté généraliste. Après l’Ecole nationale supérieure de la police (ENSP), j’ai été commissaire de police dans des villes différentes comme Bezons dans le Val-d’Oise. Pour moi, gérer une ville au niveau de la sécurité c’est passionnant.
J’ai été passionné dans tous mes postes. C’est pour cette raison que je n’ai jamais souhaité aller en cabinet, par exemple. J’ai toujours voulu être sur le terrain et régler les problèmes tels qu’ils se posaient dans les villes et je me suis rapproché de Paris au fur et à mesure.
A Paris, je me suis rapproché de la Préfecture de police en disant au Directeur de la DPUP à l’époque, que je souhaitais être le Chef de la Brigade anti-criminalité (BAC) de nuit. Il m’avait demandé, je me souviens, « pourquoi ? » et je lui avais répondu « je veux me rapprocher encore plus de la réalité du terrain, descendre encore plus ». Je suis descendu et cela m’a passionné.
Une fois que j’ai fait cela, on m’a proposé le 15ème arrondissement et je l’ai pris, et puis j’ai souhaité évoluer vers des sujets plus spécialisés alors je me suis concentré sur la Brigade des réseaux ferrés (BRF). J’étais intrigué par le métro. Cela m’a tellement passionné que l’on m’a demandé de créer le Service national de la police ferroviaire, ce que j’ai fait, et avec des antennes, sur des zones de défense comme Lille, Bordeaux, Marseille, Strasbourg. Le Service touchait aussi à l’international, alors on m’a proposé de créer le poste d’attaché de sécurité intérieur dans les Balkans.
Cela est ma seconde phase, l’international.
J’étais très content parce que à l’international, il s’agit de bien connaître la police française de l’intérieur, on la vend, en quelque sorte. Et on compare ce qui se fait de part et d’autre.
C’est ainsi que j’ai pu dire au ministère de l’Intérieur français que dans les Balkans, ils sont très bons en matière de police aux frontières, par exemple. J’ai ainsi fait venir des collègues de la Police aux frontières (PAF) dans les Balkans pour leur donner des informations. Dans l’autre sens, j’envoie des policiers Kosovars, Albanais, Serbes, qui vont venir à Paris rencontrer la PAF. Ces comparaisons et ces formations m’ont beaucoup plu.
Comme j’étais sur ces sujets, on m’a demandé de prendre le poste d’attaché de sécurité intérieur à Berlin où c’était complètement différent parce que là on est plutôt en lien avec les cabinets. L’Allemagne est au même niveau que la France sur le plan de la sécurité mais néanmoins les Allemands ont des manières de procéder, je pense particulièrement au maintien de l’ordre, différentes. C’est pour cette raison que j’ai demandé au Responsable du maintien de l’ordre en Allemagne de venir à Paris pour rencontrer le Directeur du maintien de l’ordre à la Direction de l’ordre public et de la circulation de la préfecture de police de Paris (DOPC). Ce qu’il a fait. Je vois d’ailleurs actuellement que la Préfecture de police est en train de basculer sur une doctrine du maintien de l’ordre qui se rapproche de celle de l’Allemagne, qui est plus dans le contact, moins dans le fait de se maintenir à distance des manifestants et je pense que c’est la solution. J’espère y avoir contribué un petit peu.
La troisième phase c’est ici en tant que Directeur de la police municipale et de prévention de Paris.
J’ai observé que vous êtes par ailleurs un auteur d’ouvrages. Souhaitez-vous en parler ?
(Michel Felkay sort de sa bibliothèque des livres et les posent sur la table).
En 1998, lorsque j’étais commissaire de Colombes dans les Hauts-de Seine, j’avais écrit un livre qui s’appelle Le commissaire de tranquillité publique et j’expliquais que nous avons des outils. On a le code pénal, les enquêtes, le parquet. On arrive à régler le problème par ce biais là mais il y a beaucoup d’incivilités qui nécessitent d’être en contact avec les associations, les partenaires, les médiateurs de la mairie, les syndics d’immeubles, la RATP, la Sncf … et donc je me suis rendu compte que l’on pouvait aussi régler les problèmes et que le concept de tranquillité publique était un peu au-dessus de celui de sécurité publique. Et je me rends compte maintenant qu’il y a vraiment une continuité et que le concept de tranquillité publique est vraiment mon sujet alors j’y vais à fond, c’est mon domaine (sourire).
Pendant la période de Covid, j’ai écrit l’ouvrage Pour plus de tranquillité dans un espace urbain renouvelé (L’harmattan). C’était la période de confinement où les policiers municipaux demandaient les attestations de sortie. J’ai vraiment compris pendant cette période qu’il faut plus ouvrir les espaces verts à Paris, qu’il y ait une continuité entre la rue, l’espace piétonnier et les espaces verts. Il faut à mon avis retirer les clôtures des espaces verts et repenser la ville qui est très chaude comme en ce moment en période de canicule. Ce qui veut dire repenser aussi la Police municipale et ses missions pour sécuriser ces nouveaux espaces. Sachant qu’actuellement on débitume les cours de récréation dans les écoles. Et petit à petit les cours de récréation sont ouvertes les samedis et dimanches pour le public, les parisiens. La Police municipale doit intégrer ce changement là aussi, par exemple.
Un troisième ouvrage que j’ai rédigé comme le premier cité, en 1998-1999, Les interventions de la police dans les zones de cités urbaines (L’harmattan) suite à ce que j’avais remarqué lorsque j’étais commissaire à Colombes. Lorsque l’on faisait les opérations de contrôle dans les cités, notamment dans les cages d’escalier où il y avait toutes sortes de trafics de drogues, on y mettait les moyens, les habitants nous applaudissaient doucement mais applaudissaient. Mais une fois que l’on partait, les délinquants se vengeaient et mettaient le feu aux véhicules des pauvres habitants qui étaient là. Et donc je me suis demandé « comment faire accepter l’intervention de la police ? et qu’il y ait du lien ? ». On a créé un groupe de traitement local de la délinquance où chacun devait dire ce qu’il avait à faire, comme le maire, les médiateurs, la RATP. L’objectif de ce livre est d’expliquer qu’on peut casser les préjugés entre les jeunes et les policiers, et cela dans les deux sens, afin de calmer le jeu. On n’est pas des ennemis, il serait bien de tranquilliser tout cela.
En complément de tout cela, j’ai rédigé un quatrième livre, Donner sa vie au quotidien : Travail de policier de BAC, en 2003. Il s’agissait de décrire les équipes et le travail de nuit. Ces agents sont prêts a beaucoup pour sécuriser les parisiens.
Ce que je dis toujours, c’est que j’ai la chance d’être sur le terrain, je peux voir des choses, prendre le temps de me poser lorsque c’est possible, ce qui n’est pas toujours facile, et partager les informations avec des propositions d’amélioration pour le bien vivre ensemble.
Nous allons bientôt nous quitter. Il serait intéressant de découvrir vos loisirs (sourire)
J’ai un parcours de bénévolat qui me tient à cœur et j’essaie d’être le plus présent possible.
Après je suis sportif, j’aime beaucoup courir, je fais de la natation, du reste je suis dans un réseau où je retrouve mes policiers pour faire du sport. Je fais déjà du sport la semaine en étant avec les policiers municipaux sur le terrain, en patrouille à vélo par exemple.
Sinon je suis musicien, je joue au piano toutes sortes de musique, et je lis aussi.
J’aurais envie de terminer sur des voyages marquants.
J’ai beaucoup aimé les Balkans même si c’était dans le cadre de mon travail. Les gens y sont très touchants, ils veulent apprendre, se mettre à niveau et ils attendent tout de nous. Je suis content d’y avoir contribué. Les Croates aussi étaient intéressés, surtout avant d’intégrer l’Europe. Il fallait qu’ils se mettent au standard comme on dit.
Après je n’en ai pas parlé mais je suis d’origine hongroise, d’un père hongrois qui a fui en 1956 lors de la Révolution, lorsque les chars russes sont rentrés dans Budapest. Et d’une mère d’origine russe, parce que ma grand-mère a fui Saint-Pétersbourg. Elle est arrivée à Nice.
Un remerciement Michel pour l’entretien et le partage avec les lecteurs.
Je retiens une citation publiée dans un de vos ouvrages lue le jour de notre entretien.
Je vous souhaite un bel été à tous !
Note importante
Il est strictement interdit de reproduire tout ou partie de l’interview, contenu et photos.
le Grade de directeur de Police Municipale n’est pas celui porté par ce directeur Paris ferait il exception au reste de la France?