A J-2 du lundi 8 mars 2021, Journée internationale des droits des femmes, Miss Konfidentielle a le plaisir de vous présenter Murielle Fierd-Bavoux Birgel, une femme engagée à l’endroit de la Police municipale et des citoyens. Un exemple d’ascension par le travail et la bienveillance qui inspire le respect.
Bonjour Murielle,
Nous allons débuter l’interview en évoquant votre parcours
Bonjour Valérie, je suis née en 1974, un matin de juin. Je ne suis pas venue au monde toute seule, ma sœur Véronique m’a suivie 10 minutes plus tard !
Nous sommes nées dans la région mosellane, et nous avons passé notre enfance dans la banlieue parisienne, plus précisément dans la cité des « briques rouges » à Villiers-le-Bel.
Notre père était Policier à Sarcelles, notre mère Agent Territorial des écoles maternelles.
Fin des années 70 – début des années 80, c’était agréable de vivre dans une cité, je me souviens du roller avec les copines, la marelle, et du marchand de glace l’été. Nous avions des ami(e)s de toutes nationalités : italienne, marocaine entre autres.
Petit à petit le visage de la cité s’est modifié. Nous commencions de manière très furtive à entendre parler de maltraitance sur enfants, notamment sur des fillettes avec lesquelles il nous arrivait de jouer à cache-cache. À l’époque j’étais trop jeune et mal informée de ce qui se passait autour de moi.
En 1984, mon père est muté en Alsace. La première fois que nous avons vu la maison que mes parents venaient de faire construire à Marienthal, ma sœur et moi sommes restées quelques instants à la regarder. J’ai le souvenir de ma sœur qui dit : « un jour, je retournerai à Paris » et de ma réponse : « moi, je resterai ici ».
Nous avons suivi notre scolarité à Haguenau, puis la fac de droit à Strasbourg.
Lors de ma deuxième première année, ma sœur est lauréate du concours de lieutenant dans la police nationale, et moi celui de gardien de police municipale.
C’était en 1995. Le 1er octobre, j’ai intégré à l’époque la « Police Municipale et Rurale de Strasbourg ».
J’ai appris le métier de PM au centre administratif au poste de commandement et dans les rues de Strasbourg.
J’avais un chef humain et juste, qui par la suite a eu une belle évolution de carrière. Il reste pour moi un bel exemple de manager.
À la naissance de mon second fils, j’ai dû quitter la police municipale de Strasbourg. Mon mari était régulièrement en déplacements, et mes horaires de travail (dont les nuits) n’étaient plus compatibles avec la garde d’enfants en bas âge.
En 2005, mon troisième fils est né. J’ai pris un congé parental.
Je souhaitais mettre à profit mon temps « libre » pour évoluer dans mes études. J’ai passé un DUT en gérontologie. Ce diplôme était d’autant plus instructif que j’étais entourée de personnes âgées comme mes grands-parents maternels, dont j’étais très proche.
En 2009, j’ai rejoint les effectifs de la police municipale de Saverne.
En 2015, j’ai quitté cette ville touristique à l’orée des Vosges pour Jarville-la-Malgrange, commune limitrophe de Nancy.
Je venais de réussir le concours de chef de service police municipale.
Jarville est une très bonne école de police ! Environ 9500 habitants pour une superficie de 2,4 km2. Une centaine de nationalités différentes et un quartier politique de la Ville, celui de la Californie ou plus communément appelé « la Cali ».
En 2017, lors de ma formation initiale de Chef de Service, je fais la connaissance de très belles personnes grâce auxquelles j’ai évolué.
En 2018, sur les conseils de notre intervenant en droit public, Maître de conférences à l’Université de Bourgogne, je rédige mon mémoire et passe avec succès ma soutenance pour le Master M1 Administration Économique et Sociale – spécialité Administration et Gestion des Territoires.
2019 correspond à l’année pendant laquelle je suis devenue intervenante au CNFPT de Nancy auprès des gardiens stagiaires qui entrent dans notre profession. Transmettre mes savoirs d’un métier que j’ai exercé avec passion est gratifiant. Pour leur carrière, il est essentiel de leur donner de solides bases juridiques.
Cette même année, j’étais heureuse d’obtenir ma ceinture marron en Krav-Maga.
La police municipale est un métier enrichissant de par la diversité de ses missions. Malheureusement, elle peine à se faire reconnaître ! Même si les PM ont une compétence juridique dans 21 codes différents : code de la route, code pénal, environnement, salubrité, tranquillité, urbanisme, police funéraire, etc.…La liste est très longue !!
En 2020, je décide de changer de voie professionnelle tout en voulant rester dans un environnement que je connais.
Les raisons de ce choix ?
D’une part, j’avance en âge, mes fils Valentin, Justin et Damien sont de jeunes adultes, 23, 20 et 16 ans. Je ne me voyais pas continuer à faire toutes ces interventions ou rester sur la voie publique pendant plusieurs heures en étant grand-mère. Bien sûr, il s’agit de mon propre point de vue.
Depuis leur naissance, je suis proche de mes enfants.
Nous avions leur père et moi le goût commun des voyages, et l’avons transmis à nos enfants ! Nous avons visité plusieurs pays en famille jusqu’à New York !
La seconde raison de ce choix est mon intérêt et ma connaissance de tout ce qui est en rapport avec le secteur du stationnement, d’autant plus dans une ville que j’affectionne particulièrement, Strasbourg.
Depuis le 1er janvier 2021, j’occupe un poste d’encadrement au sein de l’Eurométropole de Strasbourg, au service Stratégie et Gestion du Stationnement, au centre administratif.
Je suis responsable du Département Gestion des Résidants. Cet emploi me correspond véritablement.
J’effectue un véritable retour aux sources puisque en tant que stagiaire à la police municipale de Strasbourg, je relevais les infractions au stationnement payant.
Coïncidence ! Ma jumelle qui a poursuivi sa carrière en région parisienne puis au commissariat de Colmar m’a précédée d’une année. Depuis le 1er janvier 2020, elle exerce ses fonctions de Commandant à l’hôtel de Police de Strasbourg.
Vous souhaitez aborder un sujet qui vous tient à cœur, celui des quartiers
Je souhaite profiter de cette interview pour mettre en avant un aspect méconnu des quartiers.
Jarville est une excellente expérience dans la vie d’un policier municipal.
Mes missions sur la voie publique étaient variées en termes de prévention et de répression.
Un policier municipal possède un panel de compétences. Les pouvoirs de police d’un maire sont nombreux dans le cadre de l’hygiène, la tranquillité et la salubrité publique.
Parmi les nombreuses tâches, j’avais en charge la sécurisation des manifestations publiques et des écoles ; la vérification du respect du code de l’urbanisme, du code de la route, de l’environnement pour ne citer que les principaux.
Sur un plan humain, j’ai côtoyé la misère humaine et la violence.
J’ai assisté à des scènes de violences conjugales, comme cet homme qui, à 100m de notre véhicule de service, a frappé sa femme sur la tempe avec un coup de poing américain devant ses fillettes de 2 et 4 ans, ou recueilli des témoignages de victimes. Un jour, notre service a été appelé pour une découverte de douilles de Kalachnikov sur le trottoir d’une école maternelle.
Je suis souvent entrée dans la vie des gens notamment lors de visites de logements insalubres.
Je me suis occupée d’une personne atteinte de troubles mentaux (bipolarité) alors qu’elle était en crise. Une autre m’avait confiée qu’elle allaitait son chien parce que ses quatre enfants dont un bébé venaient d’être placés en foyer d’accueil.
Et puis, parfois, il y avait les décès, par accident ou par suicide, des enfants aussi.
À ma prise de fonctions de responsable du service de police municipale, j’ai rédigé un mémoire sur l’historique des cités, en reprenant les notions de zone de non droit, la rénovation urbaine, la gestion urbaine de proximité en m’imprégnant du passé et du présent des quartiers politiques de la ville.
Derrière les immeubles, j’ai rencontré des habitants attachants et attachés à leur quartier ; des personnes qui œuvrent pour que les enfants puissent suivre une bonne scolarité, pour que leurs mamans sortent de leur isolement, pour que chacun apprenne à se connaître.
J’ai tissé une véritable amitié avec Fabienne Travaglia, directrice de l’association de Kaléidoscope en charge des enfants du quartier de la « Californie ». Grâce à elle, j’ai pu être proche de certains jeunes, comme cette famille dont les parents avaient fui la guerre de Yougoslavie. Le père, un homme très bon, grand, une incroyable carrure qui souhaite le meilleur pour ses cinq enfants. Ses grands poursuivent des études dans le domaine médical, éducatif et commercial. Lors de mon départ de Jarville, leur mère m’avait tricoté des chaussons. Ce geste m’a profondément touchée.
J’aurais beaucoup d’anecdotes à raconter sur les habitants de la Cali. Certaines m’ont plus marquée que d’autres.
Je me souviens de ce chercheur au CNRS qui m’avait contactée à plusieurs reprises pour des nuisances sonores. J’avais rencontré sa voisine du dessous, mère de trois enfants en bas âge. Malgré les tapis posés sur le sol, le bruit résonnait. Lors de notre discussion sur cette situation avec le requérant, il m’a avoué que la gêne qu’il ressentait provenait du bruit des jouets en chutant sur le sol. Cela lui rappelait les bombes qu’il entendait enfant, au Liban. Il m’a remerciée de l’avoir écouté. Quelques jours plus tard, lors d’une patrouille, j’ai vu une pancarte « à louer » devant la fenêtre de son logement, il avait pris la décision de déménager.
La police municipale fait régulièrement des actions dans les écoles dans le cadre de la sécurité routière.
Un jour, nous sommes intervenus auprès des CM2 du quartier.
Une gamine d’une dizaine d’années originaire du Gabon est venue vers moi et m’a avouée à l’oreille qu’elle ne savait pas faire de vélo. Pendant deux heures, je lui ai enseigné comment tenir l’équilibre et pédaler. Elle a réussi ! À la fin de son premier tour de la cour de l’école, elle m’a prise dans ses bras pour me remercier.
Une autre fois, mon collègue et moi, en partenariat avec Fabienne, avons expliqué les règles du code de la route aux mères de famille du quartier. Elles apprenaient à faire du vélo avec une association. Pour les récompenser, j’ai eu l’idée de leur remettre des médailles. Un tout petit geste qui pour elles, était extraordinaire. Elles étaient fières de leur médaille ! Elles disaient que ce serait « la seule » qu’elles auront dans leur vie.
Dans ce quartier, j’ai fait la connaissance d’un homme emblématique, Mohammed. Il peut être qualifié de caméléon, un peu comme cette série qui passait il y a quelques années. Sauf qu’il n’est pas recherché par une organisation secrète ! Pourquoi un caméléon ? J’ai passé du temps à l’écouter me raconter sa vie, et j’ai fini par comprendre. Ses parents seraient décédés pendant la guerre d’Algérie, il a été adopté mais n’a jamais connu sa véritable identité. Il avait, de ce qu’il me disait, plusieurs actes de naissance. Il n’a jamais su qui il était vraiment, alors il devenait la personne qu’il avait en face de lui. Devant un collègue qui enseignait le krav maga, il avait pratiqué les arts martiaux. Devant une collègue qui aimait les fleurs, il avait été fleuriste et jardinier. Devant un autre, prof de fitness, photographe, ou cuisinier. Le plus intrigant c’est sa facilité à adopter des mots, des termes liés à chaque profession et ses connaissances dans chaque domaine.
À travers ces témoignages, j’espère démontrer que les quartiers, ce ne sont pas seulement les violences urbaines, les trafics de stupéfiants, et les dégradations. Ce sont aussi des personnes accidentées par la vie, et qui ont une volonté incroyable de vouloir réussir leur vie et être heureux.
J’ai gardé des liens avec plusieurs d’entre eux, Fabienne, Vébi, ce père yougoslave, Momo, le caméléon.
Dans les quartiers, beaucoup d’actions, de partenariats sont mis en place pour pérenniser le « bien vivre ensemble », mais je reste persuadée qu’il faut plus de moyens policiers pour endiguer le mal-être des cités dû à l’insécurité et à la délinquance.
Je pense qu’un cadre de justice plus ferme apporterait de meilleurs résultats et préviendrait les risques de récidive. Il est important de punir de manière systématique les auteurs de troubles à l’ordre public. Sans forcément passer par l’incarcération, je suis favorable aux travaux d’intérêt général. Je m’aperçois que la réparation de la faute commise (par exemple réparer ce qui a été cassé) amène le délinquant à réfléchir sur cette notion de « bien vivre ensemble ».
Votre témoignage est intéressant. Il contribue à voir les quartiers autrement.
Souhaitez-vous ajouter des informations relatives à vos actualités et projets ?
Comme évoqué, je travaille à présent à l’Eurométropole de Strasbourg.
Les missions que j’y exerce sont enrichissantes et variées. J’encadre une équipe de six personnes.
Je suis satisfaite de ce choix professionnel car j’éprouve un réel intérêt pour les objectifs et les projets mis en œuvre par la Direction mobilité, espaces publics et naturels à laquelle j’appartiens.
De plus, mes conditions de travail me permettent d’être plus disponible pour ma famille.
Je souhaite m’engager encore davantage auprès des citoyens.
A Jarville-la-Malgrange, je participais à la construction de certains projets des élus dont l’objectif était l’amélioration du quotidien des administrés.
Aujourd’hui, je souhaite collaborer à la réflexion de ces projets.
Je suis attachée à la préservation de l’environnement, et évidemment à la sécurité. Je suis convaincue que ces deux concepts doivent être complémentaires, notamment dans l’aménagement des écoquartiers. A mes yeux, les situations préventielles sont essentielles à un (ré) aménagement urbain.
Un dernier mot relatif à votre expérience de policière ?
A travers mon témoignage, j’ai voulu montrer que la police municipale fait partie intégrante des forces de l’ordre de notre pays. Par ses missions, ses compétences, ses formations au CNFPT, la PM est un pilier indispensable à la lutte contre le sentiment d’insécurité et contre la délinquance routière et pénale. Elle est complémentaire de la police nationale et de la gendarmerie.
Je voudrais que les citoyens comprennent que derrière l’uniforme, il y a un père de famille ou une mère de famille avec des préoccupations pour l’avenir de ses enfants.
Miss Konfidentielle a le plaisir de connaître les sœurs jumelles. Murielle que vous venez de découvrir. Et aussi, Véronique Fierd-Bavoux qui fait preuve au quotidien d’engagement, de courage, d’efficacité, d’humanité au sein de la police de Strasbourg. Une belle personne.
Il n’était pas envisageable de ne pas inviter Véronique à exprimer quelques mots à destination de sa sœur jumelle en guise de conclusion de l’interview.
Murielle est une femme qui a énormément de mérite parce qu’elle se donne toujours les moyens de réussir ce qu’elle entreprend, que ce soit professionnel ou dans le cadre de sa vie privée. Elle a gravi les échelons professionnels, en présentant et en réussissant des diplômes complexes tout en élevant trois enfants. Elle s’est aussi investie dans le milieu associatif et sportif.
J’ai le regret qu’on n’ait pas eu l’occasion de collaborer ensemble dans le cadre professionnel.
J’ai un souvenir qui me tient particulièrement à coeur. Nous étions toutes les deux stagiaires, Murielle à la PM et moi à l’hôtel de Police et notre père exerçait au commissariat, rue de la Nuée Bleue. Un jour, il a eu l’occasion de nous inviter toutes les deux à déjeuner au foyer de l’ancien commissariat. Nous étions attablés tous les trois en tenue et mon père nous présentait à tous les collègues avec une telle fierté dans la voix et dans le regard en prononçant les mots « Ce sont mes filles ».
Murielle est non seulement une grande professionnelle reconnue et aimée par ses collaborateurs et ses interlocuteurs qu’ils soient anciens ou actuels, mais aussi une mère aimante et disponible.
C’est une Femme avec un grand F.
Murielle Fierd-Bavoux Birgel tient à saluer des personnes bienveillantes à son égard :
Merci à ma sœur Véronique Fierd-Bavoux (Police nationale) qui a eu l’idée de cette mise en avant de ma carrière ;
Je souhaite remercier les deux maires avec lesquels j’ai œuvré : Messieurs Jean-Pierre Hurpeau et Vincent Matheron ;
Je remercie toutes les personnes avec lesquelles j’ai travaillé : mes anciens collègues de la police municipale de Strasbourg et de Saverne, Franck Lefebvre, Joëlle Geoffroy Marchal, Virginie Brungard, Gilbert Courroy, Vincent Zehr, Catherine Jacob de la mairie de Jarville la Malgrange, Eric Ance, Régine Magne, Frédéric Demangeon (métropole du Grand Nancy), Alexandre Schul (Préfecture de Nancy) ;
Je souhaite saluer Patricia Rouillon et Nadine Ehling du CNFPT de Nancy qui font un travail remarquable pour que les policiers municipaux du Grand-Est bénéficient de formations de qualité ;
Je salue également Pascal Locatelli, Nicolas Kaczmarczyk, Olivier Latzel, Stéphanie Bonnet (chefs de service de police municipale) ;
Mes remerciements s’adressent particulièrement à Patrice Raymond de l’Université de Bourgogne, et à Géraldine Bovy-Hosy, rédactrice d’articles juridiques.
J’ai une pensée pour ma famille et mes amis qui m’ont soutenue dans chacun de mes projets : Jacques, Valentin, Justin et Damien Birgel, Lucie Hirsch et Camille Tiné, Camille Pennesi, Nadine Stock.
Et pour finir, je remercie ma nouvelle hiérarchie de sa confiance, et de son accueil grâce auquel je me suis intégrée aisément dans mes nouvelles attributions : Guillaume Genoyer, Julie Kempken, Jacques Schultheiss de l’EMS. Et évidemment ma nouvelle équipe !
Merci Valérie de m’avoir laissée m’exprimer sur des sujets qui me sont chers.
Merci pour votre patience et votre gentillesse.
Notes importantes
Il est obligatoire d’obtenir l’autorisation écrite de Valérie Desforges, auteur de l’interview, avant de reproduire tout ou partie de son contenu sur un autre media.
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