10 décembre 2020 – Miss Konfidentielle s’est entretenue dans une ambiance très sympathique avec François Cazals sur des sujets très sérieux qui nous concernent tous et des sujets plus légers. Un échange plein de rebonds entre vie personnelle et vie professionnelle. François Cazals, professeur adjoint à HEC Paris est sans conteste un agile slasheur !
Bonjour François,
Un petit mot de présentation ?
Avec plaisir, je suis né dans un hôpital militaire, à St-Mandé, en région parisienne, car mon père était officier de gendarmerie. Mais le berceau familial est l’Aveyron, plus précisément à Naucelle, au Sud de Rodez. Nous possédons, ma mère et ma fratrie, une maison familiale dans l’Aveyron.
En 2021, mon grand-père, héros de la résistance et Juste parmi les Nations, donnera son nom à la brigade de gendarmerie de Naucelle. Les liens sont très forts, évidemment.
Pendant 15 ans, j’ai travaillé en entreprise, de chef de produit à directeur général adjoint. En 1998, j’ai décidé de créer ma propre entreprise.
Vous me dites être un slasheur…
Ce terme signifie multi-activité selon le Larousse depuis 2019.
Il est vrai que j’aime avoir plusieurs activités en même temps (sourire).
J’ai quatre activités principales :
- Colonel de gendarmerie de réserve, affecté au cabinet du DGGN, Christian Rodriguez
Je suis très attaché à ma mission auprès du DGGN, le général Christian Rodriguez.
Vous allez me demander pourquoi ? (sourire) Alors je vais vous raconter l’histoire de ma famille.
La famille Cazals a presque un siècle d’engagement en gendarmerie. Cela marque !
Mon grand-père était l’adjudant-chef Marcellin Cazals. Il a été résistant et a sauvé plusieurs juifs pendant la seconde guerre mondiale. Pour son action remarquable, il s’est vu décerner le titre de Juste parmi les Nations en 1993, quatre ans avant son décès. Un hommage lui a été rendu le 7 mars 2020 au mémorial de la Résistance à Sainte-Radegonde. J’étais présent lors de la cérémonie très touchante et remercie la fédération nationale des retraités de la gendarmerie de l’Aveyron qui a impulsé l’événement.
Il est vrai que j’ai rompu le charme en ne suivant pas la voie de la gendarmerie.
Et puis le hasard a bien fait les choses. Il s’est trouvé que sur mon parcours j’ai rencontré un officier de gendarmerie en formation à HEC Paris. Il m’a présenté la réserve citoyenne. J’ai alors décidé de rejoindre la gendarmerie nationale en tant que réserviste citoyen et j’ai eu l’honneur d’être affecté au cabinet du directeur général le général Richard Lizurey (DGGN de 2016-2019).
Une expérience passionnante que je poursuis depuis une année avec le général Christian Rodriguez, d’autant que le général m’a demandé de rejoindre la réserve des spécialistes. Nous ne sommes que quelques dizaines.
C’est une grande fierté, qui m’oblige d’être réserviste de la gendarmerie, sous l’autorité du général de division Olivier KIM, qui accomplit un travail remarquable pour la transformer.
Depuis un an, j’apporte ma contribution sur des volets qui me passionnent, tels que :
Le projet de transformation GEND 20.24
J’ai participé à l’élaboration de la vision stratégique Gend 20.24.
L’enjeu est de mettre en musique la politique de la transformation. Celle qui place l’humain au cœur de toute décision, qu’il s’agisse de la mission au service de la population ou du cadre de vie professionnel et privé des personnels de l’Institution. En vue de répondre aux besoins opérationnels et aux évolutions sociétales, le projet GEND 20.24 se nourrit notamment des capacités d’innovation internes et des avancées technologiques.
La modification de l’organisation de la gendarmerie nationale
J’ai mené une mission de conseil, avec un camarade réserviste, sur l’opportunité de la création d’un Centre National des Opérations (CNO), afin de mieux gérer les grandes crises et les manœuvres complexes d’envergure nationale.
La stratégie RSE de la gendarmerie nationale
Il s’agit, à ce stade, d’une réflexion : je pense que l’institution réalise de nombreuses initiatives, notamment au plan sociétal ; d’ailleurs la gendarmerie vient de remporter un Trophée des initiatives participatives sociétales #Covid19 pour sa démarche #répondreprésent. Il s’agirait de centraliser toutes ces opérations et d’amplifier la stratégie de diminution de l’empreinte environnementale.
Le cœur du réacteur de la gendarmerie nationale va changer sous les ordres du général Rodriguez.
Je suis colonel, pas un officier de commandement, mon rôle est d’apporter des idées hors cadre.
Il est fort appréciable de voir celles-ci accueillies avec bienveillance.
Et il est vrai que la période que nous vivons me pousse à donner encore davantage.
A 56 ans, apporter mon savoir-faire à l’Institution me remplit de joie. D’abord, parce que je poursuis l’héritage familial (presque un siècle). Et puis, parce que j’œuvre en en tant que citoyen, loin du business.
- Auteur de plusieurs ouvrages sur la stratégie, le numérique et l’intelligence artificielle
J’écris sur trois sujets en posant des questions.
La stratégie est mon grand sujet : Comment peut-on se projeter dans l’avenir ?
Des concepts « classiques » existent (l’ouvrage fondamental est Le Strategor) : ils consistent à tenter « une planification d’un futur souhaité.
D’autres approches émergent, qui visent à fuir la rivalité (Cap sur l’océan bleu) ou à s’inscrire dans une démarche de stratégie adaptative (Effectuation: les principes de l’entrepreneuriat pour tous).
Le numérique m’intéresse. J’ai été un des premiers à écrire sur ce sujet.
Ma vision, développée depuis 2001 au travers de 3 ouvrages (le dernier : Stratégies digitales – La méthode des 6C) propose, au travers d’une méthodologie simple, une approche de la transformation numérique qui met l’humain au centre du processus de changement et pas les technologies.
L’Intelligence Artificielle (IA) : Comment l’IA peut être un catalyseur de transformation ?
Comment peut-on utiliser l’IA avec éthique ?
C’est le cœur de ce qui m’intéresse au moment où je vous parle.
Je suis auteur d’un ouvrage récent sur le sujet : Intelligence artificielle – L’intelligence amplifiée par la technologie (De Boeck, 2019). Toutes les organisations sont en train d’utiliser les technologies de valorisation des données pour se transformer ((Ré)inventez votre business model par le Big Data), mieux comprendre le monde, prédire certains phénomènes et automatiser certaines tâches (la voiture autonome est un bon exemple des possibilités offertes par ces technologies).
Tous ces sujets ne sont pas évidents, ils sont assez récents et surtout ils évoluent très vite.
- Professeur adjoint à HEC Paris
Cela fait maintenant 23 ans que je suis professeur dans l’enseignement supérieur.
A HEC Paris, j’ai été chargé d’enseignement de 2011 à 2015, professeur affilié de 2015 à 2016 et depuis Janvier 2017, professeur adjoint et directeur pédagogique de programmes sur-mesure.
Il y a deux catégories de professeurs HEC : la première, les enseignants-chercheurs. La seconde, les professeurs praticiens, les « professionnels » (un lien vertueux).
HEC Paris est un leader mondial de l’enseignement et de la formation au management (ce qui est peu connu, paradoxalement). Au-delà de la très célèbre « grande école », HEC est un leader de la formation des dirigeants, via des diplômes (Executive MBA, Executive Masters, par exemple), mais également en réalisant des formations sur-mesure ou spécialisées dans tous les domaines de la gestion.
J’interviens surtout dans cette branche (dite « Executive Education »), sur mes domaines de prédilection (stratégie, numérique, intelligence artificielle et « stratégie Data »).
Mes qualités pédagogiques, d’animateur et de conférencier ont intéressé la gendarmerie nationale pour des colloques.
- Chef d’entreprise et consultant en stratégie, dans mon cabinet
Il s’agit d’une petite boutique familiale. Mes associés sont mon épouse et mes enfants.
J’ai une logique de partenariats sur des sujets juridiques, financiers.
Mon idée est toute simple : faire léger et agile avec des partenaires qui partagent les mêmes valeurs.
Je suis à un moment de ma vie où je décide de m’engager avec mes sujets que sont la stratégie, le numérique et l’IA.
On travaille beaucoup avec les ETI en France et depuis peu avec l’Afrique francophone et les territoires d’Outre-mer. C’est passionnant.
Nous venons de lancer une formation en ligne sur la « stratégie data » : 15 heures de formation, 10 modules, certifiante. C’est notre manière d’intégrer et de nous adapter à la crise sanitaire, pour devenir « antifragile », selon la terminologie de Nassim Nicholas Taleb (auteur du « Cygne noir »).
Quelle est votre vision des stratégies du 20ème et du 21ème siècle ?
Je suis un expert de la stratégie, pas un expert technique.
La stratégie du 20ème siècle s’inspire beaucoup d’économistes qui disent que le futur revient comme un cycle avec une vision déterministe du futur.
Autrement dit, depuis les années 80, je fais un diagnostic et je peux en obtenir une stratégie.
Depuis le début du 21ème siècle et plus récemment, on ne peut plus réfléchir ainsi.
Je suis incapable de dire à Miss Konfidentielle : Les vaccins contre la Covid-19 vont arriver en France … Ces vaccins arriveront à tel moment… Ce vaccin vous soignera… L’incertitude est radicale.
On est dans un monde de l’incertitude.
Autrement dit,
Le 20ème siècle est celui de la musique classique. Tu écris ta stratégie comme une partition, et ton orchestre joue.
Le 21ème siècle est celui du jazz. Tu dois apprendre à improviser, à jouer sans partition.
Apprendre à s’adapter, à être agile.
Les technologies de données aujourd’hui permettent de s’adapter à des changements massifs.
Nous vivons ainsi une changement radical avec tout un champ littéraire, des concepts différents. C’est un enjeu très compliqué et nouveau.
Un constat complémentaire lié à la période de Covid-19 que nous vivons en ce moment.
On fait presque tout à distance, avec davantage d’utilisation du numérique.
Le risque cyber est un nouveau risque,
Le risque environnemental est un nouveau risque,
Le risque sanitaire est un nouveau risque,
Ces trois sujets sont des enjeux de taille : ils sont saisis à bras le corps par la gendarmerie, qui a intégré, dans sa vision de transformation, un nouvel axe de protection : la sécurité des « nouvelles frontières », qui englobe ces risques nouveaux.
Et si nous terminions notre entretien sur des sujets plus légers ?
Mon souhait n’est pas de faire fuir vos lecteurs ! (sourire)
Ma vie est toute simple.
Je suis marié depuis 32 ans. Nous avons eu avec mon épouse trois enfants.
Ils sont tous les quatre au cœur de ma vie.
Je suis un amateur de livres de science-fiction depuis toujours.
Mon auteur préféré est Philip K. Dick, auteur d’essais de science-fiction dans les années 70.
Cet auteur génial a pratiquement imaginé la période actuelle et ses risques, liés aux technologies et à la virtualité. Dans sa bibliographie très riche, je recommanderai « Ubik « , « Le bal des schizos », « Le bal des schizos » ou « Le temps désarticulé ».
Je suis amateur de jazz et, hors pandémie, je vais souvent au festival de jazz « Jazz in Marciac ». Je suis plutôt amateur d’un jazz moderne et j’apprécie particulièrement les nouveaux talents comme Tigran (écoutez un de ces premiers album « New Era » !).
Un de mes fils est jazzman professionnel et j’en suis fier. C’est un jeune talent de la scène parisienne (Sunset, Sunside). Voici un petit échantillon de son talent.
Mon aîné, Thomas, travaille avec moi comme consultant Data et associé. Il a un parcours assez atypique : Master de philosophie et formation spécialisée en Big Data à l’ESSEC !
Ma fille Chloé est encore étudiante, dans une grande école de management : l’ESSEC (ce qui est assez amusant pour un enseignant à HEC).
Des voyages marquants ? Je suis un grand voyageur, du fait de mes activités professionnelles et j’ai été jusqu’en Nouvelle-Calédonie, pendant plusieurs années. J’ai une affection toute particulière pour La Réunion, un territoire splendide et attachant où j’ai de nombreux véritables amis.
Je joue le jeu de la citation (sourire).
Je suis jury à l’Ecole de guerre et il est vrai que les étudiants concluent souvent avec une citation.
Les personnes les plus extraordinaires que j’ai rencontré sont les plus simples.
Ainsi, je conclue avec la citation de Léonard de Vinci « L’ultime sophistication, c’est la simplicité ». A prendre au sens professionnel et personnel.
Note importante :
Il est obligatoire d’obtenir l’autorisation écrite de Valérie Desforges, auteur de l’interview, avant de reproduire tout ou partie de son contenu sur un autre media.
Les photos ont toutes pour copyright obligatoire : © François Cazals
Interview pleine de sens. Merci François Cazals !
La grande expérience de cette personnalité offre à la gendarmerie une autre vision permettant de bâtir une stratégie innovante tournée vers l’avenir