02 novembre 2020 – Miss Konfidentielle vous invite à faire connaissance avec un homme discret qui évolue avec humilité au sein de nos institutions depuis plus de vingt ans. Pédagogue, ouvert sur le monde, Jérôme Durand contribue à l’action de la sécurité au sein du Ministère de l’intérieur en matière de système d’information et de communication.
Bonjour Jérôme,
Quel a été votre parcours jusqu’au poste qui vous occupe aujourd’hui ?
Tout d’abord, je tiens à vous remercier d’avoir eu l’idée de nous entretenir. Outre mon parcours, c’est aussi l’entité ST(SI)² (Service des Technologies et des Systèmes d’Information de la Sécurité Intérieure) toute entière qui est mise en lumière.
Je tiens aussi à me situer.
Je suis originaire d’Epinal et suis attaché à la Lorraine. Il m’arrive d’ailleurs fréquemment de retourner sur ma terre d’origine pour voir mes parents. Je vous invite par ailleurs à venir découvrir les belles forêts vosgiennes. Vous pourrez y déguster les myrtilles, voire de jolis lacs comme celui de Gérardmer où j’aime faire des balades en bateau.
- D’où vous vient cet engouement pour l’informatique ?
La passion de l’informatique m’a été transmis par mon frère qui venait de passer sa thèse en Intelligence Artificielle (IA) en 1995.
Dans le cadre de mes études, j’ai décidé de rejoindre le CRIN/CNRS de Nancy. Puis tout s’est enchaîné assez vite. J’ai été embauché en tant qu’assistant ingénieur à l’université Henry Poincaré de Nancy. Parallèlement, j’ai suivi le cycle B du CNAM (bases de données et systèmes) en cours du soir pendant deux années.
- Vous débutez votre carrière professionnelle…
A l’issue de mes deux années passées à l’université, on m’a proposé un poste de responsable informatique à l’agence de modernisation des universités et établissement (AMUE) localisée boulevard Saint-Michel à Paris. Je dois dire que la vie parisienne ne m’enchantait pas vraiment, mais travailler en face du jardin du Luxembourg était tout de même un cadre sympathique. J’y suis resté 3 ans.
Après un passage de deux années à la caisse des dépôts et consignations, en tant que consultant ingénieur système, je suis entré au Ministère de l’intérieur le 1er janvier 2002.
Cela fera donc bientôt 20 ans, les années passent à une vitesse…
Dans un premier temps, j’ai été embauché en tant que responsable du support national Windows à la DSIC (Direction des Systèmes d’Information et de Communication) en Seine-et-Marne. Il s’agissait d’assurer un support de dernier niveau pour l’ensemble des services.
Au bout de quatre années, j’ai rejoint, place Beauvau, les équipes d’exploitation de certaines applications importantes de la police nationale en tant que chef de section exploitation. Cela a été une expérience très enrichissante.
Après 9 années passées à la DSIC, j’ai souhaité travailler dans des services plus opérationnels de police. J’ai eu la chance de pouvoir intégrer en 2011 la direction centrale de la police judiciaire, à l’office central pour la répression du trafic des stupéfiants (OCRTIS) en tant que chef de groupe statistiques.
Pourquoi prendre un tel poste ? Parce que cela mêlait à la fois une partie statistique qui m’intéressait et parallèlement un travail de refonte des outils à disposition. Ce fut le cas avec la construction d’une application permettant de générer des statistiques très fines sur la matière des stupéfiants. C’est à cette occasion que j’ai pu travailler en lien étroit avec le ST(SI)² en 2014.
Après ces quatre années à l’OCRTIS, j’ai rejoint l’état-major de la sous-direction pour la lutte contre le crime organisé et la délinquance financière, en tant que responsable des projets technologiques pour l’ensemble des offices de cette sous-direction. C’est à ce poste que j’ai découvert un sujet passionnant, il s’agit du traitement du langage (TAL).
Je suis persuadé que l’informatique et l’intelligence artificielle peuvent faciliter grandement le travail des enquêteurs en allégeant certaines parties chronophages de leur travail.
L’idée était de mettre en place des outils permettant de faciliter le travail de recherche et de traitement de la donnée à travers l’analyse sémantique.
En 2017, on m’a proposé le poste de chef du service informatique et des projets technologiques de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire. J’y ai passé deux années qui marqueront ma carrière. Pour quelles raisons ? Tout d’abord parce que j’ai rencontré des personnes formidables, humainement, professionnellement. Certaines sont devenues de vraies amies. Je pense que c’est le contexte de la matière traitées qui implique d’être très soudés. Je ne peux pas vous en dire plus sur mon travail exact pour des raisons de confidentialité, mais je peux vous dire que c’est très très enrichissant.
Depuis le mois de janvier 2020, vous exercez la fonction de chef de projet du ST(SI)².
Le ST(SI)² n’est pas connu de tous. Cela serait formidable que vous nous initiez.
Le ST(SI)² est chargé de concevoir, de piloter et de conduire les projets liés aux systèmes d’information, de communication et de commandement pour l’ensemble des policiers et des gendarmes.
Il contribue à la définition de l’action, de la stratégie et de la politique de sécurité du ministère de l’intérieur en matière de système d’information et de communication. Il coordonne les services SIC de proximité de la police et de la gendarmerie. Il anime la politique d’innovation technologique du ministère dans ce domaine.
Outre la mixité des cultures (policiers, gendarmes, ingénieurs et techniciens informatiques), trois caractéristiques fortes le définissent :
– la diversité des missions, puisque le ST(SI)² travaille aussi bien en amont des projets par son activité de recherche et développement, qu’en aval en organisant voire en pilotant le soutien aux utilisateurs ;
– la maîtrise de la qualité des données au long de leur cycle de vie ;
– la forte intégration des équipes qui, à dessein, lèvent les barrières entre le domaine fonctionnel et le domaine technique, ou entre MOA et MOE, afin de créer un axe fort de conduite de projet intégré.
Le ST(SI)² prend en considération au quotidien les besoins des policiers et des gendarmes.
Les actualités sont relayées sur notre compte LinkedIn notamment. Voici deux exemples récents :
[ #COLLABORATIF] Le futur logiciel de rédaction de procédure et de pilotage de l’activité judiciaire de la police nationale, SCRIBE, en expérimentation progressive, a été façonné avec la participation d’une communauté d’utilisateurs de 500 membres. Savoir-faire, synergie et #innovation sont au rendez-vous au ST(SI)². Un beau défi relevé en équipe !
[APPLI] Le programme de Modernisation des Centres d’Information et de Commandement de la police nationale (MCIC2) se concrétise ! La mise à disposition d’un nombre croissant de flux vidéo et la géolocalisation des équipes opérationnelles de la police nationale et de la gendarmerie nationale, nécessite aujourd’hui l’affichage de sources multiples, sur une surface conséquente. Le projet de renouvellement des murs d’images des salles de commandement, devenu indispensable dans ce contexte d’hypervision, a donc été engagé, et avec brio ! 2019-2020 aura permis de belles réalisations. 5 salles de commandement achevées, bientôt renforcées par 2 salles de crise en cours de travaux au sein du ministère. 14 nouveaux murs d’images devraient voir le jour en 2021 dans les centres d’information et de commandement.
- Quel est votre rôle et pourquoi ce choix ?
Je suis actuellement chef de projet au Service des Technologies et des Systèmes d’Information de la Sécurité Intérieure ST(SI)² depuis janvier de cette année. Je travaille à la sous-direction des système d’information.
Comme j’ai pu travailler conjointement avec le ST(SI)² lors de mes précédentes fonctions, je connaissais donc bien ce service.
J’ai fait ce choix parce qu’il me permet de poursuivre mes travaux sur l’analyse sémantique et l’intelligence artificielle dans le cadre d’un projet international.
Le rôle d’un chef de projet MOE (maitrise d’oeuvre) est très riche et varié.
Cela va du pilotage des sociétés prestataires, suivi de projet, suivi budgétaire, mise en place d’un marché public, au PV de recettes… Cela va du financier, à la sécurité, à l’hébergement… Je gère le projet dans son ensemble de A à Z. J’ai des petits dossiers et des projets qui impliquent des années de travail. C’est passionnant.
Je suis seul sur le projet avec la possibilité d’échanger avec des ingénieurs, des techniciens.. de très grande qualité au sein du bureau. L’encadrement du ST(SI)² est très bon avec une hiérarchie bienveillante et qui offre de nombreuses possibilités de formation. Une belle entité !
Souhaitez-vous partager avec nous vos plus belles réussites ?
J’en ai plusieurs, comme la mise en place d’outils statistiques sur les stupéfiants.
Mais surtout la mise en place d’un moteur de recherche ultra puissant intégrant de l’analyse sémantique couplé à du machine learning.
On est sur un outil d’analyse sémantique qui permet de faire des liens entre des entités.
Je prends l’exemple du livre La promesse de l’aube (Romain Gary). Dans le livre, une personne raconte une histoire. La machine va faire des liens entre plusieurs personnes et ce plus rapidement que l’homme. C’est un gain de temps.
Je pense sincèrement que l’IA va permettre des avancées majeures dans les applications de police et gendarmerie.
Avez-vous des activités transversales ?
Il m’arrive d’avoir des missions de conseil relatives à l’IA et au machine learning au sein du Ministère de l’intérieur.
J’interviens aussi lors d’événements comme j’ai pu le faire au CHEMI ou encore récemment à l’OCLCH. J’explique ce que je fais, j’échange avec les interlocuteurs sur mes sujets d’IA.
Je suis toujours ouvert à l’idée de m’entretenir avec des personnes qui ne connaissent pas le sujet ou qui le connaissent bien et avec lesquelles nous parlons techniques.
Au regard de votre métier, souhaitez-vous faire passer des messages aux lecteurs ?
Contrairement à ce que l’on pense, l’Intelligence Artificielle est une machine dont l’apprentissage a été fait par l’humain. L’avantage est que la machine va aller plus vite que l’humain.
C’est une intelligence augmentée en réalité.
Une machine ne peut pas tout faire et si on lui apprend mal, elle fera mal.
La machine n’a pas de sentiment.
Ainsi, si une voiture autonome se trouve face à une personne ou un chat et doit choisir qui elle doit écraser pour suivre son chemin… Quel choix fera t-elle ? Là, il faut faire attention.
Passionné par votre métier, vous arrive t-il de penser à d’autres sujets ?
Il faut savoir qu’à la maison, je n’allume que très rarement mon ordinateur.
J’ai une autre passion, qui n’a rien à voir avec l’informatique, c’est la cuisine !
Je passe de longues heures dans ma cuisine à préparer des plats pour ma femme et mon fils.
C’est l’endroit de la maison que je préfère. J’adore innover, créer de nouveaux plats, tester de nouvelles saveurs… Mes préférences vont vers la cuisine française (bœuf bourguignon..), la cuisine thaïlandaise découverte lors de mon voyage de noces, et la cuisine indienne grâce à un ami indien. Mon fils enchanté par mes bons petits plats souhaite m’inscrire à Top Chef ! (rire)
J’aime les vieux films avec Alain Delon et j’aime écouter Serge Gainsbourg.
Une citation me guide depuis longtemps, celle d’Albert Einstein « La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre ». Il faut toujours aller de l’avant ! C’est le propre du métier d’informaticien.
Miss Konfidentielle vous remercie d’avoir pris le soin de partager avec nous votre parcours de manière tout à fait sympathique et pédagogique et ne manquera pas de suivre vos conseils culinaires ! Pour commencer, une soupe de poissons, parfaite à l’approche de l’hiver.
Note importante :
La photo publiée en Une de l’article a pour légende : Interview de Jérôme Durand, chef de projet du ST(SI)² par Miss Konfidentielle et pour copyright © Jérôme Durand
Il est obligatoire d’obtenir l’autorisation écrite de Valérie Desforges, auteur de l’interview, avant reproduire tout ou partie de celle-ci (contenu, photo) sur un autre media.
Salutation Jérôme, nous avons en commun un partage historique à la DSIC mais aussi notre lorraine natale.
Dans le cadre de mes fonctions j’ai aussi mené une exploration IA plutôt intéressante.
En tout cas je suis d’accord avec toi sur l’emploi du terme intelligence augmentée … @la prochaine.
Quel plaisir ton petit message Christophe. Les années passent mais les souvenirs restent.
Avec grand plaisir pour échanger avec toi sur nos sujets IA communs passionnants. Je serai ravi de te revoir.
Jérôme