Suite à l’interview de Nicolas Prisse, Président de la MILDECA (Mission Interministérielle de la Lutte contre les Drogues Et les Conduites Addictives), Miss Konfidentielle vous invite à prendre connaissance des informations pertinentes relatives à nos usages problématiques des écrans en France. Un sujet de santé publique qui touche les adultes, les adolescents et les enfants que nous pourrions prendre plus au sérieux.
« Les écrans sont partout et ils nous sont utiles. Le confinement l’a bien montré. Mais leur usage excessif réduit le temps d’apprentissage et d’interaction nécessaire au développement et à l’épanouissement des enfants »
précise Nicolas Prisse à Miss Konfidentielle
Aujourd’hui la France compte 92% de foyers connectés, 53,1 millions d’internautes mensuels et 6 Français sur 10 qui se connectent chaque jour sur les réseaux sociaux et les messageries instantanées. Les usages se concentrent majoritairement sur le smartphone, facilitant la connexion en tout lieu et à tout moment de la journée. Ces nouveaux usages numériques modifient en permanence nos sociétés (modes de socialisation, loisirs et pratiques professionnelles, essor de nouveaux champs économiques, etc.). A tout âge, des risques peuvent être associés aux usages numériques excessifs.
Pour les enfants et les adolescents, le temps passé devant un écran peut empiéter sur des apprentissages essentiels à leur développement physique, psychique et social. Un usage excessif peut avoir des conséquences sur le développement du cerveau des enfants, leur apprentissage des compétences fondamentales et leur capacité d’attention. Afin de protéger les enfants et leur bien-être, l’entourage doit être vigilant et s’assurer du bon usage des écrans. Concernant les adultes, la porosité entre l’usage personnel et professionnel des écrans, accentuée par le développement du télétravail, peut provoquer des impacts négatifs sur le bien-être et la santé mentale. Par ailleurs, quel que soit l’âge, la pratique des jeux vidéo peut devenir problématique lorsqu’elle est associée à une perte de contrôle et affecte les autres domaines de la vie du joueur. Alors que l’usage des écrans a augmenté de manière sensible pendant la crise sanitaire liée au COVID-19, les pouvoirs publics restent très attentifs à leur potentiel effet sur la santé de la population. Doter les usagers de repères et d’outils simples pour mieux maîtriser leurs pratiques numériques, informer les professionnels sur les ressources fiables pour les accompagner, développer la recherche pour mieux connaître les vulnérabilités, expérimenter des dispositifs innovants de prise en charge des usages problématiques constituent autant de priorités de l’action publique.
Captation de l’attention et circuit de la récompense : peut-on parler d’addiction aux écrans ?
Les « addictions comportementales » (sans produit) affectent les mêmes circuits cérébraux que les addictions à l’alcool, au tabac ou aux drogues. L’existence d’une addiction aux écrans fait régulièrement débat entre spécialistes. En 2018, l’OMS a reconnu le trouble lié aux jeux vidéo (gaming disorder), en l’intégrant à la classification internationale des maladies (CIM 11) en construction. Toutefois, au-delà des débats sémantiques, une reconnaissance scientifique s’établit autour de l’existence d’usages problématiques des écrans.
Outre la description des effets nocifs, il est possible d’approcher ce phénomène par les mécanismes en jeu. Des publications relatives à l’économie cérébrale de l’attention3 mettent en évidence des mécanismes neurologiques complexes dans lesquels plusieurs systèmes de valorisation sont en compétition constante pour retenir l’attention. Des sites Internet ou des réseaux sociaux utilisent ces mécanismes pour attirer le regard ou l’écoute, avec des techniques adaptées aux écrans (flashes, pop-ups, montage accéléré, …) à des fins commerciales.
Par ailleurs, une partie de l’attention est activée par la recherche du plaisir immédiat. Là aussi, ce mécanisme est entretenu par les éditeurs et publicitaires qui jouent sur le lien plaisir/récompense.
A titre d’exemple, une étude américaine a montré que le fait de recevoir des likes sur Facebook libérait de la dopamine, hormone au cœur du circuit de la récompense et du processus addictif.
Les mécanismes de captation de l’attention, ainsi mis en évidence, ne sont pas nouveaux mais Internet a exacerbé leur rôle, du fait notamment, de la multiplicité des plateformes et des contenus. Leurs producteurs mobilisent les connaissances scientifiques sur le fonctionnement du cerveau afin de capter et retenir au maximum l’attention.
Les priorités de l’action gouvernementale :
1 – Encourager la recherche sur les risques liés à la pratique excessive des écrans
Mieux documenter le type d’usages ou de contenus susceptibles d’être problématiques, les effets sur les usagers (développement physique, psychique et social) ainsi que l’efficacité des différents types de régulation envisageables.
2 – Mieux informer le grand public sur les bons usages des écrans
Diverses ressources, soutenues par les pouvoirs publics, sont disponibles, dont notamment :
La campagne d’information annuelle « Enfants et écrans » du CSA, relayée par toutes les chaînes de télévision, rappelant que les programmes télévisuels, quels qu’ils soient, ne sont pas adaptés aux enfants de – 3 ans;
La Caisse nationale d’Allocations Familiales a conçu, en partenariat avec le CLEMI (sous tutelle du ministère de l’Éducation nationale), la série « La Famille Tout-Ecran »;
Le « Permis Internet pour les enfants », un programme national de prévention pour un usage d’Internet vigilant, sûr et responsable à l’attention des enfants de CM2 et de leurs parents;
Le kit « Educ’Ecrans » élaboré par la Fédération nationale des parents et des éducateurs;
Le site PédaGoJeux.fr, co-fondé notamment par l’Union nationale des associations familiales (UNAF), le Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs (S.E.L.L) et les pouvoirs publics, met à disposition des parents des informations facilement accessibles sur les jeux les plus populaires et rappellent la signalétique liée aux âges (PEGI);
Des repères simples de bon usage des écrans sont également proposés aux parents par des experts, tels que la règle du 0-3-6-9-12 définie par Serge Tisseron.
3 – Faciliter le repérage de signes d’alerte d’un usage problématique des écrans et l’orientation vers des structures d’aide et de conseil
Pour les plus jeunes, les structures de pédopsychiatrie, les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et les maisons des adolescents (MDA) sont les plus adaptés pour rencontrer des professionnels de santé. Les jeunes et leurs familles peuvent y trouver une écoute, des informations, être accompagnés ou orientés en fonction de leur demande.
Pour les plus âgés, il existe 540 Consultations jeunes consommateurs (CJC) réparties dans tous les départements ; leurs coordonnées sont accessibles sur drogues-info-service.fr.Ces consultations accueillent des jeunes consommateurs ainsi que leur entourage.
Toutes les conduites addictives peuvent y être abordées : alcool, cannabis, tabac, jeux d’argent et de hasard, jeux vidéo ou Internet… Les jeunes peuvent s’y rendre seuls ou accompagnés de leurs parents ou d’un proche. Les parents peuvent également être reçus sans le jeune concerné.
Placée sous l’autorité du Premier ministre, la MILDECA (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) anime et coordonne l’action du gouvernement en matière de lutte contre les drogues et les conduites addictives et élabore à ce titre la stratégie gouvernementale en la matière dans les domaines suivants : recherche et observation, prévention, santé et insertion, application de la loi, lutte contre les trafics, coopération internationale. La MILDECA accompagne les partenaires publics, institutionnels et associatifs de la politique publique dans la mise en œuvre des orientations, en leur apportant un soutien méthodologique ou financier.