5 juin 2020 – Miss Konfidentielle poursuit la mise en lumière de notre institution judiciaire en proposant une tribune à Jessica Vonderscher, Cheffe du service TIG à l’Agence du Tribunal d’Intérêt Général et de l’insertion professionnelle, créée le 7 décembre 2018. L’Agence est récente, pour autant elle est dynamique et efficace. Jessica Vonderscher vise le meilleur pour les personnes placées sous main de justice, en particulier dans le développement de cette peine alternative à l’emprisonnement. Le meilleur passe notamment par le bien-être psychologique.
La mission de l’Agence du TIG et de l’insertion professionnelle
- Histoire de l’agence : mission, organisation
L’Agence du TIG et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice a été créée en décembre 2018. Sa création était attendue depuis plusieurs années compte tenu de la stagnation du nombre de mesure de travail d’intérêt général.
Si le TIG a été créé par Robert Badinter en 1983, dès les années 2000, plusieurs rapports se succèdent à intervalle régulier et tous font le même constat : celui de l’essoufflement de la mesure de TIG et la nécessité d’un programme de relance.
La peine de TIG se comprend alors nécessairement comme une mesure destinée à lutter contre la surpopulation endémique et structurelle de nos prisons. C’est aussi, et sans doute surtout, une peine qui a du sens car tout en sanctionnant l’auteur d’une infraction, elle permet de le réinsérer, de réparer le dommage causé et de rétablir le lien entre la personne condamnée et la société.
Pour diverses raisons, 37 ans après sa création, le TIG ne représentait toujours que 7% des peines prononcées par les juridictions. Si l’on y ajoute les peines d’emprisonnement converties par le juge de l’application des peines en TIG, nous étions à environ 36000 mesures de TIG exécutées en 2017… alors que dans le même temps, 90 000 peines d’emprisonnement de moins de 6 mois étaient prononcées, peines qui, nous le savons tous, sont particulièrement désocialisantes et inutiles en terme de prévention de la récidive.
Le 31 octobre 2017, le Président de la République a prononcé un discours devant la Cour européenne des droits de l’homme dans lequel il prononce cette phrase qui résume assez bien notre mission : « créer une agence pour encadrer et développer le travail d’intérêt général pour que l’enfermement ne soit pas le seul horizon, pour que l’incarcération ne soit pas le terreau des extrémismes, des vies échouées, des destins brisés. ».
Le rapport de Didier Paris et David Layani de mars 2018 confirmera la nécessité de créer une agence du travail d’intérêt général. Un rapport antérieur communs à trois inspections (IGAS, IGJ et IGF) qui préconisait déjà la création d’un service à compétence nationale pour replacer l’insertion des personnes condamnées au cœur du système pénitentiaire en lieu et place de la primauté donnée au répressif. L’agrégation de ces deux rapports amène à la création d’une agence qui est non seulement celle du travail d’intérêt général mais également celle de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice. Cet Agence comporte ainsi trois service : celui de l’emploi pénitentiaire préexistant et historiquement basé à Tulle, celui des politiques et de l’accompagnement vers l’emploi ainsi que celui du TIG.
- Votre rôle au sein de l’agence
Au sein de celle-ci, je manage l’ensemble du service du TIG qui se compose de deux équipes. Celle des innovateurs numériques qui sont chargés de développer et déployer une plateforme numérique permettant de faciliter le prononcé des peines de TIG, la prospection de nouvelles structures ainsi que la gestion dématérialisée de la mesure. La seconde équipe est celle des Architectes du TIG. Ils ont pour mission d’animer un réseau de plus de 60 référents territoriaux du TIG, de déployer sur l’ensemble du territoire des conventions nationales, de construire les outils de formation indispensables aux tuteurs ainsi que de développer un véritable parcours de TIG.
Nous travaillons avec des méthodes innovantes qui font primer le collaboratif sur la hiérarchie traditionnelle, la confiance plutôt que le contrôle a priori. Nous avons également décliné trois lignes directrices auxquelles nous nous référons pour toutes nos actions : simplicité, efficacité et proximité. Cette dernière nous conduit ainsi régulièrement à la rencontre des équipes des services déconcentrées. En temps normal, nous sommes en déplacement en province au moins deux jours par semaine. Il s’agit pour nous du meilleur moyen de rester en phase avec les attentes du terrain.
- Vos actions en tant que Cheffe depuis votre arrivée
Depuis un an les projets n’ont pas manqué ! Nous avons recruté et formé la première partie du réseau des référents territoriaux du TIG qui sont basés au niveau départemental avec pour mission de trouver de nouvelles structures d’accueil et de nouveau postes de TIG, d’animer et de pérenniser le réseau des tuteurs, de mettre à jour la plateforme numérique TIG360° et de suivre la procédure d’habilitation pour accélérer celle-ci. Le mois de novembre 2019 a été particulièrement important avec la signature par la Garde des Sceaux de 34 conventions nationales, l’ouverture de notre site internet outre le lancement de TIG360° auprès de nos sites pilotes puis des services pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse. Le début de l’année 2020 a été marqué quant à lui par l’ouverture de la même plateforme à l’ensemble des magistrats et greffiers des tribunaux judiciaires
Vos projets en cours en tant que Cheffe (sauf devoir de réserve)
Nous procédons actuellement au recrutement de la 2ème promotion de référents territoriaux du TIG qui viendront compléter le réseau existant à partir de septembre 2020. Ce sont eux les maillons indispensable pour relancer la mesure de TIG, véritables ambassadeurs de celle-ci. Nous poursuivons le déploiement des conventions nationales tout nouant de nouveaux partenariats. Nous sommes aussi attentifs à développer un véritable parcours de TIG permettant d’adapter l’exécution de la peine aux besoins de chaque personne condamnée en terme de réinsertion. Dans ce parcours, nous retrouvons du TIG individuel, modalités la plus habituelle, mais aussi du TIG collectif ou pédagogique. Ce dernier est préconisé dans une circulaire de 2011 mais encore bien trop peu utilisé alors que ces effets positifs sur la réinsertion et, par conséquent, la baisse de la délinquance sont fondamentaux. Nous allons lancer dans les semaines qui viennent une expérimentation avec l’AFPA qui va permettre de positionner des personnes condamnées sur des ateliers de retour à l’emploi. L’idée est assez simple, un ou deux ateliers seront exécutés dans le cadre de l’exécution de la peine… en espérant que la personne ait ensuite envie de poursuivre, volontairement et en dehors de tout contrôle de la Justice, d’autres ateliers. Il s’agit là de travailler la continuité des interlocuteurs pour éviter une rupture sèche dès lors que la peine a été exécutée. Nous allons également suivre l’expérimentation sur 20 départements de l’accueil de tigisites par des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Parmi nos chantiers en cours figurent enfin l’ouverture de la plateforme TIG360° aux structures d’accueil ou encore la déjudiciarisation de la procédure d’habilitation ainsi que la réalisation d’un catalogue de formation en présentiel et en e-learning à destination des tuteurs.
La crise sanitaire du Covid-19
Nous avons été impacté par la crise sanitaire un peu en avance de phase puisque nous devions animer un séminaire à Mulhouse la semaine du 12 mars. Dès l’annonce des premières mesures de confinement en Alsace, nous avons annulé celui-ci et procéder à la réorganisation de notre fonctionnement. Nous avons eu la chance de pouvoir déployer en février un outil collaboratif accessible par tous nos collaborateurs à distance mais surtout depuis leurs outils personnels. Ainsi, nous avons pu continuer à travailler y compris dans les 15 premiers jours alors que les connexions au réseau intranet étaient plus qu’aléatoires. Afin d’accompagner au mieux tous nos collaborateurs, nous avons quasi-instantanément mis en place des visio-conférences pour toutes nos réunions et surtout un café virtuel autour duquel toute l’équipe parisienne s’est retrouvée chaque matin pendant deux mois. Pour conserver la dynamique développée par nos référents territoriaux, nous avons créé des ateliers de montée en compétence. 3 à 5 ateliers par semaines, sur lesquels chacun était libre de s’inscrire ou pas.
En attendant 2021
Nous continuons notre feuille de route afin de construire une politique publique comportant de solides fondations afin que les résultats soient non seulement au rendez-vous en 2022 mais également dans les années suivantes. In fine, nous partageons tous un même objectif, faire du TIG la peine de référence pour les 40 ans de celui-ci en 2023 afin de faire mieux lutter contre la récidive et faire baisser la délinquance.
Biographie
Originaire d’Alsace, je suis revenue dans l’Est de la France après ma scolarité à l’ENM, d’abord comme juge d’instance à Epinal puis comme juge à Belfort et enfin Mulhouse. Ces années ont été extrêmement riches. Exercer dans de petites juridictions permet de diversifier très rapidement ces compétences. A côté de mes fonctions principales, j’ai également assumé un engagement syndical, d’abord régional puis national en étant membre de la commission d’avancement. Outre un passage par l’enseignement universitaire et le suivi de diverses formations nationales et européennes, la suite de mon parcours a nécessairement été marqué par mon année à l’institut des hautes études de l’entreprise. Après 7 ans au civil, j’ai souhaité m’orienter vers les fonctions de parquetier. C’est à ce moment que j’ai participé à la constitution d’un groupe de travail local sur la réinsertion professionnelle des détenus mêlant des personnels du ministère de la justice, de la formation et des chefs d’entreprises. A l’issue de nos travaux, rejoindre l’Agence du TIG et de l’insertion professionnelle était une évidence.
Une citation d’un auteur qui guide ma vie ? Il y en a beaucoup diraient mes proches ! Si je devais en choisir une aujourd’hui ce serait celle de Gandhi: “le secret du Bonheur c’est l’alignement entre ce que vous pensez, ce que vous dites et ce que vous faites”.
Une Tribune instructive qui fait suite à des entretiens de qualité avec Jessica Vonderscher à la personnalité sincère et aux valeurs humaines fort appréciables.