22 décembre 2019 – Un inoubliable entretien avec Ange Mancini, un grand Monsieur. Entré par « accident » au sein de la police, il a su évoluer avec brio de simple contractuel à … l’Elysée. En étant notamment de 1985-1990 le 1er patron du RAID fondé avec Robert BROUSSARD. Miss Konfidentielle vous invite à découvrir une des grandes figures de notre institution ainsi que son actualité.
Bonjour Monsieur Mancini,
Pouvez-vous nous conter la petite histoire de votre entrée dans la police ?
Je suis rentré dans la police par accident… de voiture ! Nous étions en novembre 1965, je venais de rentrer depuis le mois d’août 1965 de Polynésie où j’avais fait mon service militaire et en attendant de trouver du travail je m’engageais à la journée pour faire des déménagements.
J’étais avec un ami de la Côte d’Azur et comme j’avais eu à l’armée tous mes permis de conduire nous avions décidé de chercher une place de chauffeur routier.
En nous rendant à une petite annonce du Figaro rue du Louvre, nous avons eu un accident devant le parvis Notre-Dame. Pendant que mon ami faisait le constat je lui dis : « tiens ! Je vais aller voir s’ils embauchent en face ». C’était une période de plein-emploi, personne ne voulait entrer dans l’administration et encore moins dans la police !
La préfecture de police avait imaginé un système de recrutement de contractuels (officier de police adjoint) qui rattrapait ceux qui n’avaient que la première partie du bac avec possibilité de passer le concours d’officier de police adjoint au bout de 18 mois. J’ai été accueilli avec le tapis rouge, on attendait que moi !
Quelques semaines plus tard après une rapide enquête, j’étais officiellement intégré à cette belle institution La préfecture de police comme « Officier de police adjoint contractuel » et affecté le 3 janvier 1966 à la direction de la police judiciaire de Paris au 36 quai des Orfèvres. À l’époque, je ne savais pas que j’arrivais dans un lieu mythique de la police, siège de la brigade criminelle cher à Simenon et au commissaire Maigret.
Pour ma part, j’étais affecté aux archives, un poste plus modeste mais que je ne regretterai jamais. J’y ai appris beaucoup de choses qui me serviront le reste de ma carrière et pour commencer la patience car une carrière ne se fait pas en quelques mois.
Une petite histoire bien sympathique. Quelle a été la suite ?
Mon entrée dans la police date du 1er janvier 1966. Trois étapes ont alors marqué mon parcours avant de diriger le RAID.
Je ne vais pas énumérer toutes les fonctions exercées.. la liste serait fastidieuse pour vos lecteurs ! Ce que je peux vous dire c’est que la première étape est celle d’avoir été Officier de Police : inspecteur de police à la division anti-terroriste puis à l’Office central pour la répression de la traite des humains. La seconde étape, celle d’être commissaire de police : commissaire principal à la brigade de répression du banditisme, directeur du service régional de police judiciaire de Corse, commissaire divisionnaire à la Direction générale de la police nationale.
Le 20 juin 1985, vous êtes nommé 1er patron du RAID…
La création du RAID (Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion) est une longue histoire de réflexion… !
En lisant le livre « Histoire du RAID illustrée » vous comprendrez comment est née l’idée des groupes d’interventions spécifiques.
Pour le RAID la genèse a commencé lorsque la préfecture de police a créé la « BAC » Brigade anti commando pour lutter contre toutes les formes extrêmes de violences : terrorisme, grand banditisme, prise d’otages, indépendantisme…
Il s’agissait d’une structure éphémère qui se constituait en fonction des besoins et qui était composée de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) :
– La compagnie des moniteurs de la préfecture de police
– La brigade des gaz des services techniques
Le patron était le chef de la BRI (Brigade de recherche et d’intervention) et il avait comme adjoints le numéro 2 de la BRB (Brigade de répression du banditisme) celui de la mondaine et le numéro 3 de la criminelle et c’est à ce titre que j’ai participé à des opérations avec ce service exceptionnel.
Lorsque j’ai été nommé en Corse avec Robert BROUSSARD et que nos nuits étaient ponctuées par de nombreuses explosions, nous avions le temps de réfléchir et c’est à ce moment qu’est née l’idée de faire un service de police d’intervention et de gestion de crise, rationnel, pour faire face à tous ces dangers que nous commencions à percevoir.
Nous étions en 1983/1984 et les besoins étaient évidents. Lorsqu’en février 1985 Robert BROUSSARD est nommé adjoint opérationnel du DGPN (Direction générale de la Police nationale), il présente nos réflexions qui séduisent immédiatement Pierre Joxe le Ministre, qui de son côté souhaitait la création d’un tel service.
Un télégramme annonçait la création de ce service et était diffusé à tous les policiers de tous les grades avec deux exigences : être volontaire et avoir au moins 5 ans de services.
Nous avons eu 1200 volontaires pour… 80 places disponibles. C’est à partir de ce moment que nous avons pensé à la sélection, et à la formation de ces futurs policiers. Nous avons innové avec des tests médicaux psychologiques, de tir, de cran …
Nous en avons sélectionné 320 et en deux vagues d’une semaine où nous les avons mis à rude épreuve, nous en avons retenu 80 les plus aptes à constituer un service compétent et dont toutes les composantes de la police nationale était à représenter.
Pierre Joxe m’avait dit « je voudrais que ce service soit comme la Formule 1 de la police ». Ni vous ni moi ne piloterons jamais une Formule 1 mais nous en rêvons.
Il faut que tout policier rêve un jour d’aller au RAID. J’ose dire sans modestie : « mission accomplie » et pourtant je pense que ce qui fait la force, le lien, la cohésion de cette unité c’est l’humilité, elle est anonyme, elle fait son travail et elle disparaît. Lorsqu’on est fort, puissant, il faut être humble car sinon on devient détestable. Avec l’humilité on crée une légende.
En 2020, le RAID fêtera ses 35 ans. Avez-vous une annonce à nous faire ?
En 2020 le RAID aura 35 ans, c’est un bel âge… de raison !
Avec mon ami Charly DIAZ, commissaire général de la police nationale, nous avons publié récemment l’« Histoire du RAID illustrée » qui retrace l’histoire de ce service depuis sa création jusqu’à aujourd’hui. Je crois que c’est un beau livre en remerciement à tous les raideurs pour leur engagement mais aussi à tous les policiers qui font un métier formidable injustement déconsidérés par certains mais plébiscité par l’immense majorité des Français qui a confiance dans sa police.
Je crois que c’est un bel objet et je voudrais ici remercier notre éditeur Louis de MAREUIL et particulièrement Bernadette CAILLE qui a fait le choix de formidables photos et leur agencement.
Une belle annonce en effet ! Votre livre « Histoire du RAID illustrée » Servir sans faillir co-écrit avec Charles DIAZ est un bel objet, bien illustré et passionnant à lire. Avec une préface de Pierre JOXE pertinente.
Revenons en 1990, vous quittez le RAID. Quel a été votre parcours par la suite ?
La Corse, la Guyane, les Landes, la Martinique ont été des moments merveilleux et mon dernier poste de coordinateur national du renseignement avec deux présidents a été pour moi un immense honneur et un grand bonheur de terminer ma carrière à l’Élysée après l’avoir commencée aux archives de la police judiciaire de la préfecture de police.
J’ai ainsi été Préfet, adjoint pour la sécurité en Corse auprès des Préfets de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse, Préfet de la région Guyane, Préfet de la Guyane, Préfet des Landes, Préfet de la région Martinique, Préfet de la Martinique puis coordinateur national du renseignement à la Présidence de la République.
Aujourd’hui, avez-vous une vision à partager ?
Il faut que les adultes retrouvent les valeurs qui donnent confiance à leurs enfants, énoncer des principes simples qui entendus sont assimilés et forment les caractères. Aujourd’hui malheureusement j’ai le sentiment que nous ne sommes plus dans le domaine de la raison mais celui de l’émotion pure. Le « like » remplace la réflexion, la mise en perspective, la situation dans l’histoire.
Ma devise gravée sur ma makila est « accepter la nécessité et s’en rendre maître ». C’est par cette vision d’avenir optimiste qu’on construit sa vie. Dans la police il faut aujourd’hui redonner la fierté d’être flic et protéger cette fierté par tous les moyens.
Et du temps pour vos loisirs favoris ?
J’ai bien sûr du temps pour mes loisirs car les gens débordés sont des gens mal organisés !
Belle histoire d’un grand de nos anciens. Revenons dans des valeurs, tel qu’il nous le dit si bien…..